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n’alimentaient ni la participation aux affaires publiques, ni le mouvement de la pensée, et qui se réduisait au jeu des intrigues croisées autour de la personne du roi comme des tranchées autour d’une place dont on fait le siège.

Il est impossible en effet de n’être pas frappé de la stérilité d’esprit dont les monumens de la dernière partie du règne ont porté jusqu’à nous l’authentique témoignage, stérilité qui se reflète dans les conversations, les correspondances et la vie quotidienne de l’époque. On y surprend rarement une préoccupation ou une idée qui dépasse le cercle des agitations souterraines où le haut clergé comme la haute aristocratie venaient s’étioler faute de sève et faute de soleil. Les observateurs les plus sagaces ne trouvent guère à signaler que les liaisons nouées entre quelques personnages soit pour conserver la faveur royale, soit pour conquérir celle de la seule personne qui en dispose. À cette étude vient s’en joindre une autre qu’on pourrait appeler de second plan, c’est celle des manœuvres opérées dans l’ombre pour s’assurer des chances d’avenir par la bienveillance du dauphin en se rapprochant de la coterie de Meudon et en nouant de secrets rapports avec Mlle Choin, qui jusqu’à la mort de ce prince parut destinée à prolonger sous le règne suivant la fatale influence des unions clandestines. La stratégie savante employée soit pour ménager de loin ce prince en flattant sa bonhomie vulgaire, soit pour pénétrer jusqu’au sanctuaire de Mme de Maintenon, gardé par l’escadron des dames familières, le travail des diverses factions ecclésiastiques afin d’enlacer la conscience du monarque beaucoup moins par l’autorité des argumens que par l’influence des relations, la diplomatie au petit pied des jansénistes modérés, des sulpiciens et des jésuites pour conquérir le pouvoir, en confondant très sincèrement d’ailleurs cet intérêt avec celui de l’église elle-même, ce sont là les traits principaux d’un tableau dont la pâleur n’est relevée que par la passion du peintre et les mille rayons qui en jaillissent.

Cependant la fortune change, les mauvais jours sont proches, les événemens calamiteux se pressent, la mort frappe toutes les familles, la ruine même de l’état semble imminente ; mais il faut tout subir sans rien discuter, car l’opinion publique n’a plus d’organe, l’opposition même des salons a péri, et l’on peut dire que depuis l’érection de Versailles ces salons n’existent plus. Les événemens littéraires tiennent une bien moindre place encore que les événemens politiques dans le casernement de cette existence de palais, où l’on est partout sous l’œil du maître, où les plus grandes races ont été amenées à renoncer à ce qui fait le charme et la dignité de la vie, la sainte liberté du foyer domestique.

Ce ne sont plus, comme aux jours de la jeunesse royale, les fantaisies