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possible encore, M. de Caulaincourt résolut de tenter un dernier et suprême effort, et dans la nuit même du 14 au 15 il adressa à son souverain la lettre suivante : « Pesez dans ce moment, sire, les intérêts véritables de la France, ceux de votre dynastie, ceux enfin d’une sage politique. Mettez-les dans la même balance que ceux de la gloire des combats avec ses chances, et votre majesté fera la paix. Daignez vous convaincre, sire, que cette guerre ne ressemble pas aux précédentes. Chacun a vu les fautes et, qui plus est, calculé les risques du parti qu’il a pris. L’Autriche, que je nomme encore, n’a pas préparé l’évacuation de ses archives de Vienne et fait d’autres préparatifs sans avoir prévu des revers dans cette lutte générale. La Russie ne court plus aucun risque ; elle combat chez les autres. La Prusse est engagée pour elle et malgré elle. Il y va de la vie. Quant à l’Allemagne, elle suivra l’Autriche, qui sait trop que sa cause sera sans appel, si le signal est une fois donné. L’Angleterre se défend en Espagne, mais au premier coup de canon elle commandera partout, et votre majesté ne sera pas partout. Si ses armées ont le moindre revers, si même ses batailles sont comme les dernières, sans de grands résultats, qui peut prévoir les conséquences de cette réaction générale et assigner un terme à cette coalition ?

« Confondez vos ennemis, sire ; déjouez leurs projets ; faites la paix, ne fût-ce que pour laisser passer l’orage. Elle calmera les têtes, et on ne trouvera plus dans l’avenir les mêmes moyens de les exalter. L’honneur français n’a aucun sacrifice à faire, puisqu’on ne demande rien à la France… La France, le monde vous demandent la paix. Celle proposée vous servira mieux que la plus heureuse guerre. Daignez, sire, écouter ce vœu de paix, et permettez à un bon Français, à un homme qui aime votre véritable gloire autant que sa patrie, de vous le répéter. »

Le courrier chargé d’apporter au duc de Vicence ses pleins pouvoirs arriva à Prague le 15, à une heure du matin. À ces pleins pouvoirs était jointe une nouvelle lettre du duc de Bassano, qui contenait le dernier mot de Napoléon : l’empereur concédait tout ce que lui demandait l’Autriche. « A quelques difficultés près qui n’ont point d’importance, dit M. de Metternich au duc de licence le 15, les propositions faites aujourd’hui par la France auraient fait la paix le 10, parce qu’alors l’Autriche aurait mis tout le poids de sa puissance contre les alliés, s’ils ne les avaient pas acceptées. Je vous le répète, le 10, l’empereur Napoléon donnait la paix au monde. Ce n’est pas une paix autrichienne que nous pouvons faire ; il ne s’agit pas de nos intérêts personnels, mais de ceux de l’Europe entière. Notre marche a été droite, loyale et raisonnée. Aujourd’hui nous avons 150,000 Russes chez nous, et nous avons des engagemens avec