Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/541

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les 90,000 hommes du maréchal Ney sur les derrières de l’armée alliée, de l’obliger à évacuer toutes ses positions, et, si elle s’obstinait à les défendre, de l’envelopper dans les replis de ses nombreuses colonnes et de ne lui laisser d’autre alternative que de se jeter dans les gorges de la Bohême, pays neutre, ou de passer sous les fourches caudines. Cette grande manœuvre circulaire, une des plus belles qu’ait conçues son génie et dont les deux points extrêmes étaient Luckau et Dressa, exigeait au plus haut degré les qualités qui distinguaient le maréchal Ney, une intelligence qui s’illuminait au milieu du feu, une précision merveilleuse, et dans l’action une impétuosité irrésistible. L’affermissement de notre suprématie dans le monde, pour le moment ébranlée, devait être le prix du succès de cette opération.

Le général Bertrand, ayant reçu l’ordre de protéger le mouvement du maréchal Ney, envoya à sa rencontre la division italienne du général Pery, forte d’environ 12,000 hommes. De leur côté, les alliés, informés qu’un corps d’armée français s’approchait, détachèrent contre lui Barclay de Tolly avec 15,000 Russes, et York avec 12,000 Prussiens. Barclay de Tolly surprit à Kœnigswartha la division italienne, lui prit tous ses canons, 2,000 hommes, et mit le reste en fuite ; mais à ce moment Kellermann ouvrait la marche du 5e corps et débouchait sur Barclay de Tolly. Celui-ci, ne se jugeant pas assez fort pour engager la lutte, se replia sur Klix. Lauriston continua de s’avancer, rencontra à Weissig les 12,000 Prussiens d’York, les attaqua avec une grande vigueur, leur tua ou blessa 5,000 hommes, et obligea le général prussien à rentrer dans ses lignes.

Les ordres donnés par l’empereur au maréchal Ney n’avaient été exécutés que d’une manière incomplète. Le duc de Bellune et le général Sébastiani n’avaient pu, par des causes diverses, se réunir à la colonne du prince de la Moskowa, qui se trouva dès-lors réduite de 90,000 à 65,000 hommes et divisée en trois corps : le 3e, le 5e et le 7e. Le 20 au soir, ces corps d’aimée occupaient les positions suivantes : le 5e, qui ouvrait la marche, était à Weissig, le 3e à Markansdorf, et Régnier avec le 7e à une lieue en arrière.

Le 20, de grand matin, Napoléon donna le signal, et la bataille s’engagea sur toute la ligne. Oudinot, Macdonald, Marmont, Mortier, Soult et Bertrand franchirent la Sprée, Oudinot à Grabschutz,. Macdonald sur le pont de pierre de Bautzen, Marmont sur un pont de : chevalets jeté au-dessus de la ville. Au bout de quelques heures ; toute l’armée avait franchi la rivière et chassé les Russes et les Prus- ; siens de Bautzen et d’une partie des positions qu’ils occupaient le matin. C’était principalement sur la droite que l’empereur avait concentré ses plus énergiques efforts. Afin de mieux dissimuler aux alliés