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Pendant que la Californie était à peine organisée et que les préoccupations de tous ceux qui venaient grossir les rangs de la société nouvelle étaient tournées exclusivement vers la recherche de l’or, il est évident que l’état naissant a dû compter uniquement sur les importations des États-Unis et de l’Europe. Cependant la Californie est destinée à avoir bientôt un commerce propre : elle ira chercher elle-même les produits qui lui sont nécessaires, et deviendra, commercialement du moins, indépendante des états de l’Atlantique. Il suffit de jeter les yeux sur un globe pour s’assurer qu’elle aura tout avantage à s’approvisionner dans la Chine, l’Inde et les îles du Pacifique, où elle trouvera en abondance le riz, le thé, les épices, le café, la soie et le coton. Aujourd’hui elle produit déjà assez de céréales pour sa consommation, et peu de contrées réunissent au même point les conditions d’un grand développement agricole.

Si, comme il n’en faut point douter, la Californie multipliait bientôt ses relations avec le Levant et s’appliquait davantage à utiliser la fertilité de son propre sol, une des principales sources du revenu du canal de l’Amérique centrale se trouverait rapidement épuisée, et les États-Unis n’auraient plus à envoyer à San-Francisco qu’une faible quantité d’objets manufacturés. Les voyageurs et les expéditeurs d’or auraient toujours intérêt à suivre cette voie comme la plus rapide; mais le chemin de fer de Panama opposerait une concurrence dangereuse au canal maritime pour le transport des espèces et des passagers. Il est bien vrai qu’un canal ouvert dans l’état de Nicaragua se trouverait situé plus au nord que l’isthme de Panama : la différence des distances entre New-York et San-Francisco par les deux voies est de 700 milles environ, si l’on ne tient pas compte du passage à travers l’Amérique centrale. Cette différence entre les distances correspond à une différence de trois jours en faveur des bateaux à vapeur qui suivraient le canal de Nicaragua; mais c’est précisément le temps qu’il faudrait pour le traverser, tandis qu’il faut quatre ou cinq heures seulement pour franchir en chemin de fer l’isthme de Panama. On voit donc qu’il n’y aurait aucun avantage essentiel à suivre une route plutôt que l’autre au point de vue du temps. Si les tarifs du canal n’étaient pas très bas, les bateaux à vapeur qui feraient le service sur cette ligne auraient un désavantage marqué sur ceux qui correspondent avec le chemin de fer de Panama. Pour un steamer de 2,000 à 2,500 tonnes, les droits à payer pour traverser le canal s’élèveraient à une somme considérable : les bateaux à vapeur, en allant en Californie, seraient indemnisés par le fret des marchandises qu’ils auraient à y transporter; mais ils reviendraient ordinairement presque à vide, avec de l’or et des passagers seulement, et auraient à payer la même somme au retour.