Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/916

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plu à créer par l’attitude qu’elle a prise dans la dernière assemblée provinciale d’Itzehoe.

On sait quel était l’objet de cette réunion : le gouvernement danois, mû par un sentiment de conciliation, voulant faire droit aux griefs des duchés et déférer en même temps aux pressantes sollicitations de l’Autriche et de la Prusse, s’était décidé à convoquer extraordinairement les états du Holstein pour leur soumettre un nouveau projet de constitution provinciale. Cette constitution nouvelle réalisait des réformes utiles, libérales en certains points ; elle devait être considérée comme un gage de conciliation, et elle aurait pu tout au moins être sérieusement examinée. Il n’en a rien été. L’assemblée d’Itzehoe, dans sa courte session, a tout rejeté à peu près sans examen, en se fondant sur ce que la constitution proposée traitait des privilèges particuliers du duché et non de sa position indépendante vis-à-vis du Danemark, c’est-à-dire que l’assemblée d’Itzehoe se faisait de sa propre autorité l’arbitre de l’organisation générale de la monarchie danoise. Le président des états, M. de Scheel-Plessen, a pris la parole pour constater l’impossibilité d’une transaction, et le commissaire du roi, M. de Levetzau, bien qu’Allemand d’origine et bailli dans le Holstein même, n’a pu que déplorer les passions aveugles qui emportaient cette assemblée. Il y a mieux : si quelques voix se sont élevées pour demander que le projet du gouvernement fût au moins étudié et discuté, on s’est efforcé de les réduire au silence. En un mot, l’aristocratie holsteinoise a tenu sans doute à prouver une fois de plus qu’elle fait au Danemark non une opposition ordinaire, mais une guerre de principe, dont le dernier mot est toujours le démembrement de la monarchie. Elle se montre encore aujourd’hui telle qu’elle a été en 1848, avec le même esprit intraitable et les mêmes prétentions qui l’ont jetée, il y a neuf ans, dans la guerre civile. Est-ce à dire que ces manifestations systématiquement hostiles soient l’expression exacte de l’opinion générale des populations ? Il y a dans cette apparente unanimité d’opposition qu’on a vue à Itzehoe une véritable confusion qui tient à l’état du pays. Qu’on remarque en effet que le parti dominant aujourd’hui dans le Holstein se compose principalement des seigneurs, des avocats et des employés. Les seigneurs défendent obstinément leurs privilèges ; les avocats ne veulent point laisser entamer une législation inextricable où leur art trouve amplement à s’exercer ; les employés tiennent à maintenir les traditions de la bureaucratie allemande. Les hommes de ces diverses classes sont partout, dans les hautes positions, dans les états provinciaux, dans les fonctions publiques. Par la censure dont ils disposent, ils répriment dans la presse toute manifestation contraire à leurs intérêts ou à leurs vues. Ils arrivent de la sorte à créer l’unanimité ; seulement cette unanimité factice n’est nullement en rapport avec l’opinion réelle d’une grande partie de la population moyenne, qui ne demanderait pas mieux que de se rattacher au Danemark, d’accueillir les améliorations proposées, les libertés offertes, qui réprouve cette aveugle opposition, et qui en fin de compte ne peut pas même parvenir à faire entendre sa voix.

Comment cet état s’est-il perpétué jusqu’à présent ? D’une façon bien simple : cela tient au mode de pacification du Holstein en 1848. Le Danemark, obligé de dompter par les armes une insurrection flagrante, se voyait arrêté