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3 millions de marchandises et en avait expédié pour 13; d’Angleterre au contraire, il était entré en Piémont pour 37 millions de marchandises, et de Russie pour 15, tandis qu’il n’avait été envoyé en Angleterre que pour 2 millions de marchandises, et en Russie pour 472,000 francs. Il faut dire, il est vrai, que beaucoup de marchandises destinées à l’Angleterre et à la Russie peuvent figurer dans le commerce afférent à la France et à la Suisse, ou à celui de la Lombardie et des états italiens en relations avec Odessa. Néanmoins la comparaison de ces chiffres montre quelle place la France et l’Autriche doivent tenir dans les préoccupations commerciales du Piémont, et si les intérêts matériels jouent un grand rôle dans les relations politiques, quelle ne devrait pas être l’affinité politique du Piémont avec ses deux voisins immédiats, de préférence aux deux autres pays dont il vient d’être question !

Quant au transit et à la réexportation, ils donnent un chiffre plus considérable que le commerce propre du pays, et sous ce rapport c’est encore avec l’Autriche et la France qu’ils s’exercent principalement. En rapprochant les chiffres du commerce général de ceux du commerce spécial, on se convaincra aisément de l’importance du mouvement de transit. En 1852, le commerce général s’élevait à 569 millions, et le commerce spécial à 256 seulement. La valeur des marchandises qui ont traversé les états sardes a été en 1854 de 147 millions, dont 62 millions pour la Lombardie, 58 pour la France, et, chose remarquable, nos échanges par la frontière de terre sont devenus deux fois aussi considérables que notre commerce par mer. En 1854, la valeur officielle de notre commerce général avec le Piémont s’est élevée à 193 millions, dont 128 échangés par voie de terre contre 64 par mer : preuve évidente que c’est surtout aux échanges entre la France et l’Autriche que le Piémont est redevable de ce mouvement de transit.

Ce serait toutefois envisager sous un aspect trop sombre la situation intérieure des états sardes, ce serait manquer de justice à l’égard de l’énergique nation piémontaise que de ne pas compléter ce tableau des difficultés présentes par quelques vues sur les chances d’amélioration qui s’offrent dans l’avenir. Quel que soit le parti auquel on appartienne par rapport à une doctrine qu’on n’entend point discuter ici, celle du libre-échange, il est évident que les conséquences de la libre entrée des produits étrangers dans un pays quelconque sont plus ou moins graves selon que ce pays jouit d’un état industriel plus ou moins avancé. Là où l’industrie sera languissante, la libre introduction des marchandises étrangères n’apportera aucune perturbation dans les intérêts existans et ne causera aucun dommage. N’était-ce pas un peu là la situation du Piémont, lorsque