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Si maintenant on remonte à la fin de l’année 1848, après la malheureuse issue de la première guerre contre l’Autriche, et avant que la chute du ministère Gioberti eût entraîné le roi Charles-Albert dans cette seconde aventure, si fatale à son pays et à lui-même, on trouve que la dette du Piémont, non comprise celle de la Sardaigne, s’élevait à 5,336,393 livres, auxquelles il fallait ajouter 3 millions acquis au fonds d’amortissement. Dès 1850, une dette de nouvelle création portait l’ensemble des obligations du trésor à près de 17 millions de francs, c’est-à-dire à plus du double de l’année précédente, non compris les 3 millions de rentes dus à l’Autriche, et payables de deux mois en deux mois par à-compte de 6 millions sur le capital. Les années 1848, 1849 et 1850 avaient laissé un déficit de 133 millions; les frais de la guerre, y compris l’indemnité de l’Autriche, montèrent à 226.

Quelle progression dans ces chiffres de la dette publique de 1848 à 1857! En 1848, un total de moins de 6 millions de rentes perpétuelles et rachetables, une réserve de 3 millions acquis à l’amortissement; en 1857, une somme de 41 millions de rentes avec un amortissement qu’il est bien difficile de ne pas affecter à l’amoindrissement du déficit! Dans cette courte période de dix années, le Piémont a eu, il est vrai, à passer par des épreuves douloureuses, qu’il a traversées avec honneur; mais, à part les sommes considérables qu’il a consacrées, comme on le verra plus tard, à la construction de ses chemins de fer, toutes ces dépenses, sans résultat positif ou du moins appréciable, effectuées pour des armemens disproportionnés, nécessitées par des commotions intérieures ou des guerres infructueuses, laissent une impression fâcheuse dans l’esprit de tout observateur impartial, et on ne peut s’empêcher de se demander, lorsqu’on en fait le compte, ce que la nation a retiré de cet énorme capital escompté sur l’avenir. En 1848, on crée pour 3 millions de rentes 5 pour 100; en 1849, pour 14 millions de rente 5 pour 100 et pour 1,100,000 fr. d’obligations; en 1850, l’émission des obligations s’élève encore à plus de 1 million; en 1851, une nouvelle rente de 4 millions 1/2 de 5 pour 100 est inscrite au grand-livre de la dette; de 1851 à 1857, ce passif s’augmente d’une somme de 5 millions de rentes, dont une partie a fait l’objet d’un prêt direct que le gouvernement a obtenu de l’Angleterre à des conditions que le crédit piémontais n’eût pas trouvées librement sur les marchés de l’Europe... Et le déficit annuel n’en subsiste pas moins, et de nouvelles entreprises semblent nécessiter de plus larges sacrifices, tandis que le budget des dépenses ne paraît pas se prêter aux réductions indispensables pour le rétablissement de l’équilibre!

C’est là, on en conviendra, une situation grave, dont les dangers