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avec tous ces fils, on obtint une longueur totale de plus de dix-huit cents kilomètres : jamais la science n’avait pu être servie par des expériences faites sur une échelle aussi grandiose.

Pour reconnaître avec quelle rapidité l’on pourrait transmettre des dépêches dans un câble aussi long, M. Whitehouse a construit des appareils d’une exquise sensibilité destinés à mesurer rigoureusement la vitesse des courans. Un pendule, battant la seconde, est disposé de telle façon que, pendant une oscillation, il met la pile en communication avec le câble, permettant ainsi au courant de le parcourir, et qu’à l’oscillation suivante cette communication se trouve interrompue. Au point de départ, un papier préparé chimiquement se déroule régulièrement par un mécanisme d’horlogerie : un stylet s’y appuie pendant que le courant passe, et se détache sitôt qu’il est interrompu. Ce papier présente ainsi au bout de quelque temps une suite de traits placés à égale distance, dont chacun s’imprime durant une seconde. A divers points du circuit sont disposés des rouleaux semblables, qui tous sont entrés en mouvement en même temps que le premier; seulement les stylets ne commencent à marquer leur première trace qu’au moment où le courant parvient à eux. On voit donc, à la partie supérieure de chaque bande de papier, un espace blanc d’autant plus long qu’on se rapproche davantage de l’extrémité du fil; en comparant ces diverses longueurs à la trace que l’électricité imprime pendant une seconde, on possède des images matérielles du retard qu’elle éprouve dans sa marche, et l’on peut, à l’aide de rigoureuses mesures de longueur, calculer des fractions de temps dont notre imagination a peine à saisir la valeur, mais qu’il importe à la télégraphie de connaître.

Chose singulière, à l’extrémité du fil le stylet, une fois appliqué sur le rouleau, ne pouvait plus s’en détacher, et, au lieu des traits discontinus du premier appareil, ne marquait qu’un trait indéfini. Cela vient de ce qu’à chaque seconde, au moment où le courant s’établit, un mouvement vibratoire, ou, si l’on aime mieux, une onde électrique entrait dans le fil; mais, comme il lui fallait plus d’une seconde pour en sortir, il en résultait que l’extrémité était constamment chargée d’électricité et que le courant ne pouvait être interrompu. Il fallait une seconde et demie au fil pour se décharger complètement, et par suite de ce retard les mouvemens consécutifs du stylet, dont les traces forment l’écriture télégraphique, ne pouvaient être séparés par un moindre intervalle. On acquit ainsi la preuve qu’on ne pourrait transmettre des dépêches d’un continent à l’autre qu’avec une extrême lenteur, si l’on envoyait périodiquement dans le circuit des ondes de nature semblable : il restait à examiner si, en employant alternativement des ondes d’électricité positive et négative, on ne réussirait pas à obtenir une transmission plus rapide. Le