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Même manœuvre et même succès à propos des jeunes détenus. Ce n’était là jadis, dans le régime pénitentiaire, qu’un incident qui passait presque inaperçu. À peine comptait-on quelques centaines d’enfans qui tombaient sous le coup de la loi et expiaient dans quelque maison de correction leur perversité précoce. Les choses ont été ainsi tant que les prisons communes les ont reçus ; mais, dès que des établissemens spéciaux, comme Mettray, le Val-d’Yères, Petit-Bourg, leur ont offert en pleine campagne un mélange de travaux agricoles et d’enseignement élémentaire, dès que l’emprisonnement a été accompagné de repas copieux, de vêtemens chauds et d’exercices au pas gymnastique, cette population a vu ses cadres s’élargir et d’une manière si rapide, qu’en moins de quinze ans elle s’est élevée du chiffre de 1,500 à celui de 10,000. La magistrature, en voyant des asiles si bien installés, éprouvait moins de scrupule à frapper de petits délits, et de leur côté les familles pauvres pouvaient trouver une économie à se décharger sur un établissement correctionnel du soin d’élever, de nourrir, de vêtir et d’instruire leurs enfans. Ici, comme toujours, c’était l’abus d’un principe excellent et l’application outrée d’une pensée humaine.

Ce qui s’est passé dans le domaine de la criminalité se reproduit, c’est ma crainte, dans le domaine de l’assistance. Là aussi l’excès d’un bon sentiment peut conduire à de très mauvaises conséquences. Le danger ne serait plus alors ni dans l’absence ni dans le petit nombre des établissemens autorisés, il serait dans la multiplication indéfinie de ces institutions. À mesure qu’elles se propagent, elles assistent un plus grand nombre de personnes qui trouvent leur pain ailleurs que dans le travail. Il est impossible que l’industrie et la richesse du pays n’en éprouvent pas quelque atteinte. Vainement dira-t-on qu’il se fait un départ très scrupuleux entre l’indigence réelle et l’indigence simulée : pour peu qu’on ait été mêlé de près ou de loin aux œuvres charitables, on sait qu’il n’y a là qu’une illusion. Nulle part le contrôle n’est plus difficile ni plus sujet à des mécomptes. D’ailleurs l’indigence n’est jamais un terme absolu ; c’est surtout une condition relative. Tel sera indigent dans un département qui ne le sera pas dans un autre ; on peut l’être aujourd’hui et ne pas l’être demain. Comment s’assurer d’un fait sujet à tant de variations, et qui comporte tant de nuances ? Il y a donc des erreurs et en grand nombre ; il y a des surprises, et la surveillance la plus éclairée ne saurait en garantir.

Que conclure alors ? que conseiller ? En matière aussi délicate, la conscience hésite. Il est pourtant deux points sur lesquels on peut, avec des autorités respectables, plus particulièrement insister : ce sont les secours à domicile et les secours en nature. Le secours à