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lui ont montré le travail de la main dirigé par la pensée. Le musée des Studj lui a offert un spectacle pareil. Parvenu à la maturité, M. Ottin continue pourtant de procéder comme il procédait avant son départ pour l’Italie. Si les preuves me manquaient pour affirmer l’insuffisance des leçons techniques dans les années de la jeunesse, l’auteur du Chasseur indien serait pour moi un utile argument. L’homme parvenu à l’âge de trente ans avec la ferme croyance que la sculpture se réduit à l’imitation contemple inutilement les plus belles œuvres du ciseau grec : il ne voit dans ces prodiges que des prodiges d’habileté technique ; il subit toute sa vie les conséquences de sa première éducation.

M. Chabaud a fait une statue qu’il appelle la Chasse, et qui n’est, à vrai dire, qu’une réminiscence assez maladroite de la Diane du Capitole. Il est bon sans doute de garder un souvenir fidèle des belles œuvres qu’on a pu contempler, mais il faudrait mettre ce souvenir à profit d’une autre manière. M. Chabaud, pensionnaire de Rome, s’est servi de la Diane du Capitole aussi librement, je ne dirai pas aussi heureusement, que si personne ne connaissait cette gracieuse figure. Cette imitation, qui pourrait être appelée d’un nom plus sévère, ne mérite pas une discussion sérieuse. Ce qui donne à la statue du Capitole un caractère d’originalité, c’est qu’elle n’a rien de viril, tandis que la Diane chasseresse, dont les copies sont répandues dans toute l’Europe, est plutôt virile que féminine. Les muscles de la jambe, dans cette dernière figure, sont modelés avec une précision qui ne se montre guère chez la femme. Les malléoles sont dégagées, et donneraient plutôt l’idée d’un adolescent que d’une jeune fille. La Diane du Capitole est autrement conçue ; elle est jeune, elle est femme, elle est vierge. M. Chabaud ne paraît pas avoir compris le mérite de cette figure. Ce qui est simplement gracieux dans le modèle antique devient entre ses mains lourd et singulier. Jeunesse, grâce, virginité, tout s’est effacé ; nous n’avons plus devant nous qu’une jeune fille qui serait fort empêchée si elle voulait se livrer aux plaisirs de la chasse. À coup sûr, elle n’est pas taillée pour forcer une biche à la course. Je ne sais pas quel avenir attend M. Chabaud, je ne voudrais pas prononcer sur le pensionnaire de Rome des paroles trop sévères ; mais en vérité on a peine à se défendre d’un mouvement de dépit en voyant de quelle manière les lauréats tirent parti de leur séjour en Italie. Au lieu d’étudier ce qu’ils voient pour apprendre à concevoir eux-mêmes des œuvres nouvelles, ils rhabillent des œuvres antiques, et nous les donnent pour des œuvres qui leur appartiennent. On dirait que Rome est aussi loin de Paris que la Chine ou le Japon ; on le dirait, à voir leur assurance, et pourtant les musées du Capitole et du Vatican ne sont