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Encore serait-il impossible de trouver dans la sculpture de l’empire un morceau de la même valeur que le groupe de Laocoon. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que les sculpteurs de nos jours aient voulu réagir contre le style académique de l’empire, et que leur protestation ait abouti à l’imitation pure du modèle vivant. C’est le sort commun de toutes les réactions de dépasser le but qu’elles se proposent.

Quant à la sculpture de la restauration, elle avait d’autres origines que la sculpture de l’empire et ne s’éloignait pas moins de la vérité : elle croyait de très bonne foi que le moyen âge possédait le secret de la naïveté ; elle étudiait le portail des cathédrales et dédaignait l’harmonie linéaire, dans l’espérance d’atteindre à l’énergie de l’expression. Qui sait combien de talens se sont fourvoyés en cherchant la sculpture naïve ? Le moyen âge est aujourd’hui réduit à sa juste valeur. Tous ceux qui aiment les arts du dessin d’un amour éclairé comprennent qu’il ne peut nous enseigner ni la sculpture ni l’architecture. Il n’est pas inutile de le consulter ; mais si l’on veut profiter de ses tentatives, il faut les contrôler par des œuvres d’un goût plus pur.

Le moyen âge est à peu près passé de mode. Si quelques rares partisans défendent encore sa cause, le portail des cathédrales n’est plus accepté comme une école de sculpture : on sent le besoin d’interroger de meilleurs modèles ; on veut arriver à la naïveté en consultant directement la nature. L’intention est excellente ; reste à savoir si elle portera les fruits qu’on espère. Or je crois pouvoir sans témérité affirmer que la sculpture de nos jours, réduite à l’étude exclusive du modèle vivant, ne dépassera ni la sculpture de l’empire, ni la sculpture de la restauration. Plus réelle dans le sens littéral du mot, elle ne sera pas plus vraie dans le sens poétique. Les moins érudits savent maintenant que la Grèce domine l’Italie antique et moderne. Les fragmens du Parthénon peuvent être librement consultés par ceux mêmes qui ne veulent pas sortir de Paris ; mais on se défie de ces précieux fragmens, et j’étonnerais bien des lecteurs en rapportant fidèlement les paroles que j’ai recueillies dans plus d’un atelier. Les Panathénées sont proscrites comme un danger. Si l’on veut demeurer dans la vérité, il faut avoir soin de ne pas les regarder, C’est une pensée puérile, une pensée ridicule, et pourtant cette pensée se produit et trouve des approbateurs. La popularité de cette méprise est un symptôme fâcheux que nous ne devons pas négliger, car il peut servir à caractériser ce que j’appellerai l’état hygiénique de l’intelligence. Les Panathénées redoutées comme un danger ne sont pas un signe équivoque. Pour qu’une erreur si étrange soit proclamée hautement comme l’expression de la vérité, il faut que la