Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/519

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la surface ; puis les vapeurs se condensèrent et formèrent autour d’elle une enveloppe aqueuse. Dans les eaux, il se déposa des couches de vase, de sable, d’argile, semblables à celles qui s’accumulent chaque jour au fond des mers de notre temps. Les dislocations qui résultèrent du refroidissement progressif de la terre donnèrent naissance aux inégalités du sol. Ici le fond des mers se creusa, là il s’émergea de manière à constituer des continens. Cette théorie n’est pas nouvelle. On en trouve l’indice dans la cosmogonie d’un grand nombre de peuples, et particulièrement dans celle des Grecs. « La plus importante des cosmogonies orphiques, dit M. Guigniaut dans ses commentaires sur l’ouvrage de Creuzer, est la cinquième, qui nous est donnée à la fois par Athenagoras et par Damascius. Suivant le premier, Orphée plaçait l’eau à l’origine de toutes choses ; le limon déposé au fond de l’eau devint terre… Voici la version de Damascius… Au commencement fut l’eau et le limon, qui, en s’épaississant, devint terre. » Plus loin, on lit dans le même ouvrage : « A l’origine, Athéné (la Minerve des Athéniens) était une personnification féminine du principe humide, comme l’indique son nom de Tritogénie, née des eaux. » Dans mes voyages en Orient, lorsque j’explorai Chypre, cette île qui apparaît si gracieusement au milieu de la Méditerranée, lorsque je visitai la ville de Paphos, en face de laquelle Vénus, selon la tradition grecque, naquit de l’écume des flots, je me demandai si cette déesse n’était pas la personnification de la terre, qui s’est élevée du sein des mers. En effet, la Terre, qui était la mère du genre humain suivant les anciens Grecs, put se confondre avec Vénus, puisque cette divinité, avant de représenter la volupté, fut sans doute à l’origine une transformation d’Astarté, et fut adorée comme la puissance génératrice.

Au point de vue où nous place cette théorie, on comprend que notre première préoccupation soit de chercher à quelle époque l’Attique fut soulevée au-dessus de la surface des mers et convertie en terre ferme. L’âge le plus ancien auquel j’aie pu remonter en étudiant la géologie de l’Attique est la période secondaire[1]. Une partie de cette période a été marquée par l’existence d’animaux mollusques nommés hippurites ; elle a été appelée époque turonienne par

  1. La durée des temps qui se sont écoulés depuis la formation des premiers dépôts marins de notre globe jusqu’à la création de l’homme a été divisée en trois parties principales : la période primaire, qui est la plus ancienne, — la période secondaire, — la période tertiaire. Chacune de ces grandes époques a été subdivisée elle-même ; ainsi la période tertiaire a vu se former trois terrains distincts : le terrain tertiaire inférieur, le terrain tertiaire moyen, le terrain tertiaire supérieur. Les âges de l’ancien monde ont été caractérisés par des animaux et des végétaux qui ont été spéciaux à chacun d’eux ; c’est principalement en se basant sur les caractères de leurs débris fossilisés que l’on est parvenu à distinguer les diverses époques géologiques.