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la population. Il y a, dans les pays qui s’occupent eux-mêmes de leurs affaires, de ces émotions rapides, contagieuses, se propageant avec une rapidité qui se constate plus aisément qu’elle ne s’explique, et avec lesquelles il est plus sage de transiger que de raisonner. » Mais en transigeant, dans le présent, avec une impression publique, le roi Léopold n’a livré ni le pouvoir, ni l’avenir. Il a rétabli le caractère de la loi dont il ajournait le débat : « Je n’aurais jamais consenti à donner place, dans notre législation, à une loi qui aurait pu avoir les funestes effets qu’on redoute. » Il a honoré et encouragé la majorité qui avait voté les articles essentiels de la loi : « Dans les circonstances où nous sommes, la majorité de la chambre, dont les vœux, comme majorité, sont et doivent être mon guide, a une noble position à prendre. Je lui donne le conseil de renoncer, comme vous le lui proposerez, à continuer la discussion de la loi… Elle donnera au monde une haute idée de sa sagesse et de son patriotisme. Elle conservera dans ses rangs l’étroite union qui, pour tous les partis, est le premier fruit et la première récompense d’une noble et bonne action pratiquée en commun. » Et bien loin d’abandonner ses ministres engagés dans cette lutte, le roi Léopold les a hautement avoués et soutenus : « Cette lettre vous fera voir combien je suis heureux de me trouver d’accord avec vous et combien j’approuve votre conduite. Mon désir est de continuer à veiller avec vous aux intérêts de ce beau et bien-aimé pays. »

Le roi Léopold a fait ainsi cesser le combat sans rendre les armes ; il a protégé la paix du pays troublé en restant en mesure d’en appeler au pays à jeûn ; il a maintenu la question sans la pousser à bout : vraie conduite de roi constitutionnel et de roi.

II.

Au premier aspect, quand on ne regarde qu’au texte, aux principes du projet de loi même, on a peine à comprendre qu’il y ait là une question.

Que fait en effet ce projet ?

Il place la charité privée à côté de l’assistance publique, les jugeant toutes deux indispensables pour la lutte contre le paupérisme et pour le soulagement de la misère.

Il regarde la charité privée, sinon comme exclusivement, du moins comme essentiellement religieuse, et, pour l’appeler par son vrai nom, chrétienne. Et à ce titre, il admet et encourage l’action de la foi chrétienne aussi bien que celle de la puissance administrative.

Il reconnaît et consacre le droit de la charité privée à s’exercer