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après avoir délivré ces condamnés et avoir grossi leur troupe de ceux qui ont voulu les suivre, ils sont allés débarquer à Sapri, d’où ils pouvaient gagner les montagnes de la Calabre. Là commençait l’expédition sérieuse ; elle avait pour chef un exilé napolitain, le colonel Pisacone. Pour avoir quelque chance, il aurait fallu tout au moins que cette tentative prît le roi de Naples à l’improviste ; mais déjà le navire qui avait porté les insurgés était saisi, les troupes royales étaient mises en mouvement de toutes parts, tandis que d’un autre côté les populations ne répondaient nullement à l’appel de l’insurrection. Ce n’était plus dès-lors qu’une lutte inégale, où les insurgés ont été vaincus après plusieurs engagemens. La plupart sont morts, le reste a été pris, et parmi les prisonniers se trouve, dit-on, le chef de l’insurrection lui-même. Il est facile de prévoir le châtiment réservé à ceux qui survivent. Ainsi finissent encore une fois ces tentatives de soulèvement ; elles se terminent comme toujours par du sang versé, et elles ne peuvent avoir pour résultat qu’une aggravation nouvelle de la situation de l’Italie. C’est là ce qu’oublient éternellement ceux qui croient qu’on peut transformer un pays par des coups de main organisés dans les foyers des conspirations secrètes. Ces insurrections, comme les précédentes, sont évidemment l’œuvre d’un parti toujours prêt à mettre ses passions et son fanatisme de secte au-dessus des intérêts réels, vivans, palpables de l’Italie. Elles procèdent d’une même pensée : à Gênes aussi bien qu’à Livourne et à Naples, c’est la pensée purement révolutionnaire. M. Mazzini n’a point paru, et cependant on voit sa main partout. Il agit dans l’ombre comme un conspirateur du moyen âge, donnant des drapeaux, distribuant des mots d’ordre, et envoyant, au jour voulu, des malheureux se faire fusiller pour la république et pour l’unité italienne. Et comment procèdent ces insurrections ? On l’a vu à Gênes et à Livourne, elles ont commencé par l’assassinat de quelques soldats isolés. Ainsi se sont traduits les appels à la fraternité adressés aux soldats toscans. À Gênes, des listes de proscription avaient été dressées, dit-on. C’est un effort permanent, intense, pour faire irruption dans la société réelle, et si M. Mazzini ne réussit pas à pénétrer dans la société, il parvient du moins à l’ébranler par ses rêves, par ses tentatives, nouées avec un art de la conjuration qui n’a peut-être pas été égalé. Qu’on n’oublie pas en effet que si les derniers mouvemens ont avorté, ils n’étaient pas moins fortement organisés, et ils supposent même des ressources matérielles assez considérables. Or, là où la pensée révolutionnaire apparaît ainsi armée, le véritable esprit de progrès, l’esprit de réforme et de sage innovation recule, et chaque tentative violente amène des déceptions nouvelles pour l’Italie. Il y a aujourd’hui surtout au-delà des Alpes un pays que sa destinée appelle à exercer une grande influence par la double action d’un libéralisme intelligent et d’une politique prudemment nationale. Cette influence heureuse, le Piémont ne peut évidemment l’exercer que par la paix, en montrant aux autres états italiens que la liberté est sans péril, qu’elle est la meilleure sauvegarde contre la révolution. Tel est le rôle efficace et salutaire de ce royaume, qui est au pied des Alpes. Ce pays lui-même n’est pas épargné ; c’est à Gênes que l’insurrection va établir son centre d’opérations, et les efforts de M. Mazzini et de ses séides ne tendraient qu’à rendre suspecte cette liberté qui règne à Turin, à dimi-