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vers le sommet du cadre, fuyait vers l’horizon. Il y a là une faute de perspective que rien ne saurait justifier.

Les Chevaux français, gros percherons, de M. Verlat, semblent appartenir à l’école de M. Courbet, car M. Courbet fait malheureusement école. M. Verlat se dit élève de l’académie d’Anvers. Il fait bien de le dire, on ne s’en douterait pas. Avoir puisé les premières notions de l’art dans une ville où Rubens a composé ses plus beaux ouvrages, et faire le portrait d’une charrette attelée de percherons, voilà ce que j’ai peine à comprendre. Encore si le portrait de cette charrette occupait un étroit espace ; mais non, l’attelage est grand comme nature, et pour comble de malheur, le percheron placé en avant ne tire pas. Il y a dans ce tableau, ridicule par sa dimension, un talent d’imitation que je ne veux pas nier ; mais, pour concevoir une telle œuvre, il faut n’avoir pas grand’chose dans la tête.

M. Gigoux est lui-même chef d’école, quoique ses disciples me soient inconnus. Je l’entends dire, et je consens à le croire. Sa Veille d’Austerlitz est pour ses élèves un triste enseignement. Les torches qui éclairent la toile ont tant d’importance, et les figures sont disposées d’une manière si théâtrale, que la composition tout entière ressemble à une scène de mélodrame. C’est une étrange manière d’interpréter l’histoire. Charlet et Raflet ont pourtant montré à M. Gigoux comment on traitait les sujets militaires.

La Razzia de M. Loubon est une heureuse tentative dans le genre des deux maitres que je viens de nommer. Il y a dans cette toile un entrain, une ardeur qui plairont sans doute aux hommes de guerre, et en même temps un choix de couleurs qui prouve que l’auteur a fait de sérieuses études. Dans un ordre d’idées tout différent, M. Dubuisson a montré un talent d’une grande énergie : ses Défricheurs se recommandent à l’attention par l’élégance et la fermeté du dessin. Dire que je préfère cet attelage de bœufs aux Percherons de M. Verlat serait faire à M. Dubuisson un piètre compliment ; je me contenterai de le citer comme un ouvrage bien conçu et d’une bonne exécution.

J’aime à penser que M. Dauzats, en nous envoyant sa Mosquée de Cordoue, a voulu justifier les éloges de don Federico de Madrazo et de don Eugenio de Ochoa. C’est une excellente intention, à laquelle nous ne pouvons qu’applaudir. Pourquoi faut-il que le succès réponde à l’intention d’une manière si incomplète ? Dans la Mosquée de Cordoue comme dans tous les ouvrages de l’auteur, l’architecture est traitée avec adresse ; mais les figures sont très loin de valoir l’architecture. M. Dauzats compromet ses amis d’Espagne. La plume de don Eugenio nous a rendu exigeans, et nous avons le droit de demander quelque chose de mieux que la Mosquée de Cordoue.