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le patrice n’épargna que ceux qui dès le commencement s’étaient déclarés de son parti. C’était le troisième saccagement que la ville éternelle éprouvait depuis soixante ans ; mais ce dernier lui venait d’un général romain et d’une des armées de l’empire.

Olybrius s’installa dans le palais désert et dévasté. Le sénat tremblant vint le reconnaître à cette même place où quatre années auparavant il complimentait Anthémius sur son deuxième consulat, et le beau-père et le gendre sur leur concorde. Il paraît que durant les derniers jours du siège, les sénateurs, afin d’épargner à la cité romaine une ruine complète, suggérèrent au malheureux empereur la résolution de partir, et l’y décidèrent peut-être malgré lui. Cette conduite prudente dans des circonstances si désespérées donna lieu, en Orient, à des interprétations malveillantes : les Byzantins crurent y voir une trahison du sénat de Rome contre un prince qui lui venait de Constantinople, et au bout de plusieurs années Zenon, successeur de Léon, s’en plaignait encore avec amertume. Ricimer ne profita pas longtemps de sa victoire. Quarante jours après son beau-père, il mourut lui-même, en proie à des souffrances cruelles que les historiens du temps, habituellement peu retenus dans leurs conjectures, n’attribuent pourtant pas au poison. Ce ne fut pas la main des hommes, mais celle de Dieu qui frappa ce monstre souillé de sang, dans la joie du plus odieux de ses forfaits. Le 23 octobre de cette même année, soixante-cinq jours après la mort de Ricimer, trois mois et douze jours après celle d’Anthémius, arriva le tour du nouveau césar, qui, dit-on, mourut à Rome de mort naturelle. La même destinée avait fait disparaître presque à la fois tous les acteurs de ce lugubre drame, les vainqueurs après le vaincu, les bourreaux après la victime.

Il en resta cependant un, le plus obscur et le dernier venu, ce roi Gondebaud, neveu de Ricimer, que celui-ci, à ce qu’il semble, avait pris pour lieutenant dans la dernière guerre. Après la mort du patrice, et par reconnaissance pour sa mémoire, Olybrius avait transféré son titre à Gondebaud, avec le commandement général des armées romaines. Ainsi, quand Olybrius lui-même alla rejoindre ses aïeux dans les tombeaux des Anices, l’empire d’Occident, sa capitale, son sénat, ses armées restèrent entre les mains d’un petit roi burgonde chassé de ses états, et qui ne possédait d’autre titre au gouvernement des Romains que d’avoir été le neveu de leur tyran.


AMEDEE THIERRY.