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plus robuste. Dans leurs villages, ils courent le plus souvent nus, n’ayant qu’une sorte de ceinture nouée autour de la taille ; mais lorsqu’ils descendent à Paramaribo, ils portent des vestes courtes en indienne. La vie de ces nègres est toute primitive. Le peu de culture qu’on remarque chez eux est l’ouvrage des femmes. Les hommes sont d’ailleurs d’excellens bûcherons et de hardis chasseurs. Le gouvernement néerlandais leur donne une prime de quatre florins pour chaque peau de cougouar qu’ils apportent à Paramaribo. Cet argent est employé par eux à acheter des fusils, du plomb, de la poudre, des briques, des haches, des habillemens. M. van Hoevell attribue l’enfance sociale des nègres aux circonstances dures et difficiles qui les entourent, à leur vie solitaire, surtout au préjugé qui règne dans le pays sur les travaux agricoles, considérés comme le dernier degré de l’avilissement. « L’idée du travail agricole, dit-il, entraînant une idée d’esclavage, il est naturel que le nègre l’évite comme l’ombre d’un passé qu’il déteste. » Le germe de l’amélioration et du développement social se trouve comprimé chez les nègres réduits à une condition aussi misérable ; mais l’auteur ne doute point que ce germe n’existe, et les faits confirment son opinion. En 1852, les nègres forestiers ont descendu le cours des rivières avec des bois de construction dont le produit s’est élevé à 100,000 florins. Le goût du travail libre, élément générateur de la civilisation, n’est donc pas éteint chez ces anciens esclaves.

Longtemps les noirs de Surinam ont été livrés à l’arbitraire de leurs maîtres. En 1851, le gouvernement néerlandais adopta des règlemens qui témoignaient d’une certaine sollicitude pour le sort de la population noire. M. van Hoevell ne nie point que des motifs louables n’aient dicté cet acte d’humanité relative ; mais il s’attache à prouver que de tels règlemens sont impuissans, inefficaces, et le plus souvent éludés par les maîtres des plantations. Le législateur autorise d’ailleurs les punitions corporelles sous le contrôle de l’autorité, et à ce propos M. van Hoevell ouvre devant nous le registre pénal, ce livre rouge de l’esclavage. La rédaction en est simple et concise : un numéro d’ordre, le nom du propriétaire, le nom de l’esclave, son âge, le nombre de coups, la nature de la faute, voilà tout. Presque toujours le motif de la punition est indiqué d’un seul mot : négligence, brutalité, entêtement. Le cas de vol est excessivement rare ; encore les vols portent-ils sur des objets de peu de valeur, généralement sur des fruits, des bananes. D’après ce registre, du 1er janvier à la fin de décembre 1851, cinq cents esclaves, hommes, femmes, filles, garçons, nègres, mulâtres et métis, avaient été fouettés au piquet de justice de Paramaribo par des agens de l’autorité néerlandaise, et cela sur la demande des propriétaires. Ce piquet de justice où, conformément à la loi, les esclaves sont châtiés par la