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des anciens Bataves. Les Bataves furent de tout temps les alliés des Romains. Même après l’insurrection de ces barbares sous Civilis, des rapports d’amitié se rétablirent entre eux et les conquérans du monde. On comprend que l’amour-propre national des Hollandais attache une certaine importance à une filiation, qui leur donne pour souche une race vaillante, libre, combattant à côté du premier peuple de l’univers. Ce point d’histoire a pourtant été controversé. Epuisés par de continuelles levées de troupes et par de sanglantes batailles, dont le succès fut souvent dû à leur valeur, les Bataves, ces derniers soutiens de l’empire chancelant, ont, dit-on, vraisemblablement été écrasés et anéantis dans la chute de l’ancienne Rome. Les flots de nations germaniques, les Saxons, les Franks, les Cauches, en se précipitant sur les limites de l’empire romain, durent balayer au loin les alliés, les frères d’armes du peuple déchu (socii, amici et sodates populi romani), et effacer les traces d’une existence sociale qui leur était odieuse. En fait, vers 470, le nom des Bataves disparaît de l’histoire pour ne plus se montrer ; il n’en est fait aucune mention dans la suite des changemens que subit le théâtre de leur ancienne puissance. « Cette nation, dit un historien hollandais du XVIIIe siècle, Wagenaar, semble avoir été en partie exterminée par les armées latines, en partie transplantée par les Romains, en partie détruite par les aventuriers venus du Nord ou arrachée du sol natal, en partie mêlée aux Franks, aux Saxons, aux Frisons, tellement qu’à dater du Ve siècle il est difficile de trouver beaucoup de sang batave dans les veines de ceux qui habitent l’ancien territoire de ces barbares. » De telles raisons doivent sembler spécieuses au point de vue de l’histoire ; mais la physiologie moderne apprécie autrement les faits. Des déluges d’hommes peuvent accourir, remuer la terre et la couvrir comme font les flots de l’océan : les qualités de la race originelle n’en restent pas moins empreintes sur l’histoire, sur le sol, sur les mœurs, sur le caractère national ; elle a créé le moule. La science ethnologique donne ainsi raison à l’opinion de Grotius, qui veut que les envahisseurs de l’île de Batavie, insula Batavorum, aient été absorbés l’un après l’autre par l’influence des Bataves.

J’indiquerai seulement à grands traits les principaux changemens qu’a traversés la Néerlande sous la période de la féodalité. Dès le Xe siècle (923), la Hollande a été gouvernée par des comtes. Les autres provinces avaient également des chefs qui relevaient plus ou moins de l’empereur : l’Utrecht avait ses évêques, la Gueldre ses ducs, la Frise ses princes ou rois. Toutes ces provinces et celles de la Belgique moderne, — l’Artois et les Flandres françaises, — s’entre-déchiraient et s’opprimaient l’une l’autre tour à tour, tandis que presque toutes avaient cruellement à souffrir des invasions des Normands.