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ESSAIS ET NOTICES.




WAHLBERG LE TUEUR D'ELEPHANS.


La Suède a perdu récemment un des voyageurs les plus hardis, les plus dévoués au service de la science qu’elle ait jamais comptés parmi ses enfans. Mort à quarante-six ans, tué cruellement dans une de ces chasses à l’éléphant où il s’était rendu célèbre, Wahlberg promettait de devenir un des plus illustres naturalistes d’un pays qui en a beaucoup produit. Il mérite une place dans la phalange de ces courageux élèves de Linné que leur maître envoyait explorer le monde, et qui ont fait tant de conquêtes sur le domaine de la nature. Il a continué et agrandi les travaux commencés en Afrique par Sparman et Thunberg. Tout un musée spécial pour les productions de l’Afrique du sud témoigne aujourd’hui à Stockholm de ses intelligens travaux et de ses succès. Il n’aura pas peu contribué à la solution du grand problème de la connaissance de l’Afrique intérieure. Voilà un vrai pionnier de la civilisation, qui a rempli son rôle avec une mâle énergie, et qui a succombé avant l’âge, à son poste, en présence de l’ennemi.

J.-A. Wahlberg, mort en Afrique le 6 mars 1856, était né près de Gothenbourg, en Suède, le 9 octobre 1810, d’une famille de négocians. Orphelin à onze ans, il acheva studieusement ses classes, d’abord au gymnase, puis à l’université d’Upsal, et il fut reçu ingénieur. Déjà cependant un attrait particulier lui avait révélé sa vocation : épris des charmes et même des dangers de la nature du Nord, il avait tenté des excursions nombreuses dans les alpes norvégiennes, dans les vastes solitudes de Laponie et de Finmark, et dans les îles qui entourent la péninsule suédo-norvégienne. Le sol même de la patrie avait offert les premières amorces à cette curiosité, à cette audace du naturaliste et du chasseur qui devait être la passion dominante de sa vie. Toutefois il fut avant tout l’homme de la science. Loin de se laisser aveuglément entraîner à l’enivrement que lui causait un commerce intime avec cette nature dont il était épris, loin de se perdre, sous l’empire d’une imagination surexcitée, dans le plaisir haletant des chasses ou dans la dispersion animée des voyages, il eut cette constante pensée d’être utile à la science, et, comme ce bon général d’armée de qui les lumières, contrairement aux autres hommes, croissaient avec le péril, nous le verrons affronter les plus grands dangers et des difficultés inouïes dans le seul espoir de satisfaire aux exigences les plus précises de la science ; nous le verrons accomplir, en présence même des obstacles et des périls, les travaux les plus patiens.

En 1837, M. Letterstedt, consul de Suède au Cap, vint à Stockholm, et sollicita l’envoi d’un naturaliste suédois dans l’Afrique australe, encore si peu connue. Wahlberg, à qui s’offraient dans la patrie toutes les sûretés d’une carrière déjà heureusement ouverte et les plaisirs de l’étude au milieu même des joies de la famille (sa sœur avait épousé en 1835 l’excellent professeur