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établissent sur ce fondement la morale du genre humain et la culture du domaine terrestre.


III. – DU MONOTHEISME DES HEBREUX.

Une des grandes particularités de l’histoire du monde est l’établissement, chez les Hébreux, du culte d’un seul Dieu à une époque très reculée. En possession de cette croyance, Israël la défendit opiniâtrement et victorieusement contre les violences étrangères et les faiblesses intérieures. Quand le temps fut venu, son monothéisme poussa, chez les gentils qui marchaient aussi vers un monothéisme avec leur philosophie, un rameau qui devint le christianisme, et plus tard Mahomet y puisa la source de sa prédication, d’où sortit le groupe musulman. On voit quelle place tient dans l’histoire le développement religieux du peuple hébreu.

M. Renan s’en rend ainsi compte : « Le monothéisme résume et explique tous les caractères de la conscience des Sémites. C’est leur gloire d’avoir atteint, dès leurs premiers jours, la notion de la Divinité que tous les autres peuples devaient adopter à l’exemple d’Israël et sur la foi de sa prédication. Cette race n’a jamais conçu le gouvernement de l’univers que comme une monarchie absolue ; sa théodicée n’a pas fait un pas depuis le livre de Job ; les grandeurs et les aberrations du polythéisme lui sont toujours restées étrangères. On n’invente pas le monothéisme : l’Inde, qui a pensé avec tant d’originalité et de profondeur, n’y est pas encore arrivée de nos jours ; toute la force de l’esprit grec n’eût pas suffi pour y ramener l’humanité sans la coopération des Sémites ; on peut affirmer de même que ceux-ci n’eussent jamais compris le dogme de l’unité divine, s’ils ne l’avaient trouvé dans les instincts les plus impérieux de leur esprit et de leur cœur. Les Sémites ne comprirent point en Dieu la variété, la pluralité, le sexe ; le mot déesse serait en hébreu le plus horrible barbarisme. La nature, d’un autre côté, tient peu de place dans les religions sémitiques : le désert est monothéiste ; sublime dans son immense uniformité, il révéla tout d’abord à l’homme l’idée de l’infini, mais non le sentiment de cette vie incessamment créatrice qu’une nature plus féconde a inspiré à d’autres races. »

Je suis pleinement d’accord avec M. Renan sur le principe qui lui a dicté les lignes précédentes, à savoir que tout, dans l’histoire, est historique, c’est-à-dire que tous les phénomènes sociaux proviennent des forces immanentes à la société et sont dus au développement naturel de l’humanité. Le problème est, en chaque cas, de déterminer par quelle élaboration une idée a surgi, une évolution s’est faite, un progrès s’est accompli, comment en un mot la civilisation s’est, de degré en degré, élevée de l’état rudimentaire à ses