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pas fournir la dot à laquelle le père estime alors sa fille, il est livré à la vengeance de celui-ci, qui a droit de le tuer. Le Bary qui meurt est enterré accroupi dans un trou creusé devant la porte de sa demeure. Ses parens viennent ensuite fouler et durcir sous leurs pieds la terre qui le recouvre, en répétant sur un ton lamentable le monosyllabe dio, dio. Quand la terre est bien durcie, on tue quelques bœufs, on les mange, et tout est fini ; chacun se retire. Chez les Kyks et chez les Eliabs, peuplades adonnées à la pêche, les morts sont enveloppés dans des nattes de jonc et jetés dans le fleuve.

La condition des femmes est moins dure chez les nègres idolâtres que chez les musulmans ; elles ne sont pas chargées exclusivement des travaux de la terre ; les hommes les y aident, bien que l’oisiveté soit chère à tous ces peuples africains. Ils ne trouvent d’activité que pour la danse, passion commune à tous les noirs, d’une extrémité à l’autre de l’Afrique. Ils sautent et gambadent au son d’une espèce de tambour, et outre leurs danses journalières, ils ont des fêtes générales, appelées héri, où ils se réunissent quelquefois au nombre de sept où huit mille. Ces fêtes sont annoncées dans tous les villages voisins ; ce sont de vraies saturnales durant trois jours, et pendant lesquelles les deux sexes jouissent de la plus complète liberté. Elles se renouvellent plusieurs fois dans l’année, aux premières pluies, lorsque les vaches reviennent au village après avoir consommé les pâturages.

Il y a parmi les Bary des forgerons assez habiles qui fabriquent les lances, les flèches et les grossiers instrumens de labour. Il y a aussi des charpentiers qui font des espèces de sièges, taillent des pièces de bois et sculptent des statuettes servant de fétiches ; mais ces artisans sont peu estimés, où les appelle toumourit, et un propriétaire de vaches, un orgueilleux monié, considérerait ce nom, s’il lui était appliqué, comme une grave injure.

Au-delà de Bélénia, les rives du Nil continuent à être accidentées et couvertes de forêts de tamariniers, d’ébéniers et des plus belles variétés d’acacias. Ces arbres, toujours verts, entremêlés de lauriers-roses, forment des jardins naturels qui répandent la fraîcheur de leurs ombrages sur un soi fertile. Les villages des peuples riverains apparaissent tantôt étagés sur les hauteurs, tantôt groupés ou dispersés au milieu des admirables forêts de ces régions. Les Bary et quelques-uns de leurs voisins, privilégiés entre tous les habitans des bords du Nil, possèdent des salines. Il est vrai qu’ils les exploitent peu.

Sur la rive gauche, environ sous le 9° degré et sous le 7° degré de latitude nord, le Nil reçoit deux énormes affluens, dont MM. d’Arnaud et Brun ont reconnu les embouchures ; M. d’Arnaud remonta même le cours de l’un de ces affluens pendant quelques jours, mais, craignant pour lui et ses compagnons les pernicieuses influences dés marécages au milieu desquels ces rivières se perdent, il redescendit vers le Nil. Deux français qui parcourent le Soudan oriental, MM. Vayssières et Malzac, ont recueilli quelques notions sur ces affluens dans la partie inférieure de leur cours ; ils coulent de l’ouest à l’est et roulent un volume d’eau si considérable, qu’ils tripleraient le Nil, s’ils ne se perdaient en grande partie dans les vastes marécages de leurs embouchures. Le premier s’appelle Bahr-Keilak ou Miselad, et semble identique à la rivière que les cartes d’Afrique indiquaient d’une manière incertaine sous le nom de Bahr-el-Ghazal. Le second porte le nom de Niébor et se jette dans le Nil par quatre bouches, à travers des marécages considérables,