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armée pour guerroyer au nom du pape contre l’empereur et le roi d’Espagne et attaquer leurs possessions en Italie. Paul IV, qui avait quatre-vingts ans, se prépare à la guerre avec une ardeur digne de Jules II ; en même temps il donne à ses neveux les terres dont il dépouille les barons romains. Il est plein d’espérance et d’orgueil ; mais bientôt devaient venir le désenchantement et les revers. Henri II fait la paix avec l’empire, et le duc d’Albe, vice-roi de Naples, se décide à marcher sur Rome. Les généraux de Charles-Quint en savaient le chemin. Le vieux pape s’apprête à recevoir l’ennemi et dans ses plans de défense ne ménage rien. Il fait démolir le couvent de Sainte-Marie du Peuple et envoie les religieux à la défense des remparts. Cependant le peuple romain ne montre pas la même résolution que le pape. Il est vrai qu’il n’a pas des neveux à pourvoir. Tandis que le duc d’Albe occupe la campagne, personne n’ose marcher contre lui. Le cardinal Caraffa, pour donner l’exemple, sortait par une porte et rentrait par une autre. Rome, dit Norès, fut tenue un moment en échec par cent hommes. On fait une trêve, mais le duc d’Albe se montre toujours hautain et superbe à l’endroit des conditions de paix. Le ministre de sa majesté catholique prépare un concile, annonce un jubilé, et même donne des indulgences pour remplir la caisse de son armée. Le duc d’Albe revient sous les murs de Rome : il n’y entre pas cependant ; mais le pape, voyant les Français battus à Saint-Quentin et le duc de Guise rappelé, prend le parti de faire la paix. L’histoire de Norès se termine par cette tragédie de la famille Caraffa, qui semble appartenir au moyen âge. À quatrevingts ans, Paul IV repousse ses neveux, pour lesquels il avait tant fait ; il déclare publiquement que ce sont des scélérats qui l’ont trompé, et meurt bientôt. Le peuple ouvre les prisons et veut jeter par la fenêtre les moines de la Minerve, il brise la statue du pape, et un Juif la coiffe du bonnet jaune que Paul IV avait imposé à la population juive de Rome. Pie IV fait mettre à mort le cardinal Caraffa et le duc de Paliano, celui-ci meurtrier de sa femme. Ainsi finissent les neveux de Paul IV, et les mille sentiers de l’intrigue qu’on a vu se croiser dans le récit de Norès aboutissent à une mare de sang.

Le sentiment de patriotisme sincère et bien entendu qui règne dans les Archives historiques n’a eu garde de négliger les récits de certains événemens qui se rapportent à la défaite ou à l’expulsion de l’étranger. Dans le volume qui a paru pendant que la Lombardie et Venise luttaient contre l’Autriche, on publiait, avec une opportunité qui devait cesser bientôt, les Allemands chassés de la ville de Gênes en 1746, et l’on n’oubliait pas le rapprochement.

Le Piémont a fourni un volume de pièces historiques, dont l’intérêt est encore augmenté par celui qui, de toutes les parties de