Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
SIR ROBERT PEEL.

grevées d’hypothèques. Lord Clarendon, alors vice-roi d’Irlande, pressentant avec sagacité les bons résultats du plan, s’employa avec zèle à combattre les préventions, à écarter les obstacles. Le plan fut enfin adopté en avril 1849, non pas seulement en principe et comme un essai, mais dans les conditions et avec les moyens d’exécution que Peel jugeait nécessaires pour en assurer le succès. Un an s’était à peine écoulé, et, au moment où Peel cessait de vivre, déjà le succès avait dépassé sa propre attente. C’était en Irlande et au service du parti le plus contraire aux réformes irlandaises qu’il était entré dans les affaires ; l’Irlande avait été, selon son propre dire, la grande difficulté de sa vie ; deux fois, en 1835 et en 1846, elle lui coûta le pouvoir. Ce fut pourtant à lui qu’elle dut l’émancipation des catholiques, et la mesure la plus efficace pour la régénération sociale de l’Irlande fut le dernier grand acte de l’influence de Peel dans le gouvernement intérieur de son pays. Il y a des temps où Dieu se joue particulièrement de la prévoyance des hommes, et leur fait exécuter ses desseins en les promenant d’inconséquence en inconséquence dans leurs pensées et leurs combinaisons.

XVI.

Chef du cabinet, sir Robert Peel était obligé de traiter, dans la chambre des communes, pour lord Aberdeen absent, les questions de politique extérieure ; sorti des affaires, il eût pu s’en dispenser : il ne le fit point, et s’empressa presque toujours, quand ces questions se présentèrent, d’en exprimer son opinion, le plus souvent à l’appui de ses successeurs. Empressement de bon Anglais et d’honnête homme, décidé à soutenir au dehors, même au profit de ses adversaires, le gouvernement de son pays, fidèle en même temps à l’esprit général de justice et de paix européenne qui avait présidé à la politique extérieure pendant sa propre administration, mais souvent ne portant, dans les affaires de ce genre, ni vues précises, ni profonde appréciation des faits, ni une complète indépendance des préjugés du moment, ni un langage suffisamment exact et mesuré. Je n’en donnerai qu’un exemple, et je choisis celui-là pour rétablir dans leur vérité des idées et des paroles que sir Robert Peel ne contesta, à coup sûr, que parce qu’il les avait légèrement lues et imparfaitement comprises.

Il s’agissait de la petite république de Cracovie, fondée en 1815 par le traité de Vienne, envahie et abolie en 1846 par l’Autriche, la Prusse et la Russie. La France et l’Angleterre, comme on sait, protestèrent pareillement, quoique séparément, contre cette infraction à un traité conclu avec leur participation, et qui ne pouvait être lé-