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ces conditions d’infériorité inhérentes à son principe même et à ses lois générales, la photographie porte en soi des élémens d’imperfection matérielle dont l’avenir aura raison peut-être, mais contre lesquels on a jusqu’à présent vainement lutté. Certains tons, tels que l’azur et les nuances qui en dérivent, se reproduisent sur l’épreuve photographique dans une gamme si claire, qu’ils semblent en quelque sorte absens, tandis que les tons participans du rouge acquièrent une extrême intensité. De là un désaccord et une dureté qui faussent l’harmonie pittoresque. Le visage d’un homme sanguin se dessinant sur un ciel limpide apparaîtra comme une tache noire sur un fond blanc ; une figure vêtue d’une draperie bleu clair ou lilas deviendra à côté d’un mur en briques une silhouette blanche et sans relief. La gravure n’a ni ces exagérations, ni ces défaillances. Comme elle procède par analogie en traduisant le coloris d’un tableau, comme elle reflète non les tons mêmes, mais leur valeur relative et leur aspect plus ou moins lumineux, elle ne dénature pas par des altérations partielles l’ensemble de l’effet. Le blanc et le noir, au lieu d’aboutir à des contrastes heurtés, se proportionnent à la mesure déterminée par la peinture originale ; ils font l’office d’équivalens et rendent dans leurs rapports exacts sinon les couleurs, du moins tous les accidens du clair-obscur. La photographie au contraire, diversement influencée par l’action de ces couleurs, a tantôt trop de délicatesse, tantôt trop de violence. Elle ne sait que ressentir chimiquement l’effet de chaque ton, et, faute de pouvoir coordonner tant d’impressions inégales, elle substitue une succession de dissonances, ou tout au moins une harmonie çà et là brisée, à l’harmonie continue qu’avait créée le pinceau.

Appliqués à l’imitation des œuvres du crayon, les procédés photographiques donneront sans doute des résultats plus satisfaisans, puisque les difficultés seront moindres et les conditions à remplir beaucoup plus humbles. Plus de différence ou une différence bien moins radicale entre les proportions du modèle et celles de la copie ; plus de tons variés ni par conséquent de ces anomalies que nous signalions tout à l’heure ; une contre-épreuve du dessin original, — voilà, dira-t-on, ce qu’il s’agit uniquement d’obtenir ; une similitude absolue dans les formes et dans l’effet, tel doit être le seul objet du travail. Il n’en va pas pourtant tout à fait ainsi. Cette exactitude mécanique ne saurait, même ici, suppléer à tout et tout résoudre. Ce n’est point assez que chaque détail ait été retracé avec une rigueur impassible, avec une véracité sans merci et une fidélité qui défie le compas. L’accent de la vie manque à cette ressemblance irréprochable : ce duplicata d’une œuvre née de l’imagination a échangé l’empreinte originelle contre les froids dehors de la fabrication. Il