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de raisin ou glycose. Le sucre de betterave n’est jamais détruit, tandis que si le poids de glycose injecté n’est pas supérieur à 0,12 du poids de l’animal, il disparaît. On a pensé que l’organe qui le détruit, et qui empêche le sucre produit à chaque instant par le foie de s’accumuler dans le corps et de donner le diabète, est le poumon. La respiration est une combustion, et on a cru que le sucre était brûlé au moment où le sang vient au contact de l’air. En effet on ne trouve de sucre dans la circulation qu’entre le foie et le poumon. Une partie de ses élémens servirait alors à la respiration, le reste deviendrait du sang, des muscles et des nerfs. Cette théorie a été appuyée par plusieurs expériences. Ainsi l’on a vu qu’il y a dans le corps un excès de sucre, lorsque la respiration est troublée artificiellement ou naturellement. Le sang d’un animal auquel on bouche le nez quelques instans devient sucré, et d’après Reynoso, l’éthérisation, qui trouble aussi la respiration, produit le même effet. Le diabète est souvent une conséquence d’une maladie du poumon. Ces expériences et ces résultats paraissaient concluans, et une nouvelle découverte de M. Bernard semblait les confirmer. Il a vu que les embryons, qui ne respirent pas encore, sont diabétiques, c’est-à-dire que leur organisation tout entière contient du sucre. L’oxygène ne pénétrant pas dans leur poumon, le glycose produit n’est pas brûlé. C’est du moins là ce qu’il a pensé tout d’abord. Cependant M. Bernard ne tient pas à ses théories, et il les abandonne facilement. Il s’attache même volontiers à rechercher ce qui peut les ébranler. Il pense que les preuves à l’appui ne manquent jamais, lorsque les doctrines sont bonnes. Aussi a-t-il fait sans hésiter une expérience dont le résultat pouvait nuire à sa théorie. Il a étudié le fœtus aux différens âges, et il a vu que les fœtus sont diabétiques avant le quatrième mois de la vie embryonnaire, lorsque le foie ne sécrète pas encore de sucre, tandis que le diabète diminue lorsque le foie fonctionne, quoiqu’il n’y ait pas encore alors de respiration. Bien plus, on sait que les produits de la combustion du sucre sont de l’acide carbonique et de l’eau; si le glycose était détruit par la respiration, l’air que les animaux expirent devrait contenir d’autant plus d’acide carbonique, que leur foie ou leur sang serait plus sucré, et c’est justement le contraire qui arrive. Plus un chien sécrète et paraît brûler de glycose, moins il exhale d’acide carbonique. Enfin on a vu que l’oxygène ne détruit pas mieux le sucre que les autres gaz. Il fallut donc renoncer à l’hypothèse, d’abord si satisfaisante et si bien prouvée, de la destruction du sucre par la respiration, et les théories qu’on a proposées ne satisfont pas entièrement l’esprit. Ainsi l’on a pensé que le sucre se détruit au contact des alcalis du sang; mais le sang sucré n’est ni plus ni moins alcalin que le sang ordinaire, et les alcalis n’ont pas