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malgré l’activité et la continuité de ses services, n’était-il encore, à quarante-quatre ans, que colonel d’état-major, lorsqu’en 1813, au moment où venait de se former la grande coalition sous laquelle Napoléon devait enfin succomber, il fut attaché en qualité de commissaire anglais au quartier-général de l’armée prussienne de Silésie, commandée par le général Blücher. Pendant les deux campagnes que dura cette guerre, il assista à tous les combats livrés en Allemagne et en France. Il résulte du témoignage des généraux prussiens et particulièrement du chef d’état-major Gneisenau, avec qui il resta toujours en relations d’amitié et de correspondance, que dans les vicissitudes si multipliées et si rapides de cette lutte formidable sir Hudson Lowe se fit remarquer, non-seulement par une rare intrépidité, mais par de véritables talens, par beaucoup de jugement, par un imperturbable sang-froid. Appelé plus d’une fois, malgré l’infériorité de son grade, à émettre sur les opérations militaires un avis qui avait quelque poids, parce qu’on y voyait en quelque sorte celui de son gouvernement, il se prononça toujours, même au milieu des revers, même alors que le découragement avait gagné une grande partie des coalisés, pour les partis les plus énergiques. « Jamais, lui écrivait plus tard le général Gneisenau dans un langage passionné qui caractérise l’époque, jamais vous n’avez dévié de la conviction, que, pour ramener l’Europe à un juste équilibre et pour renverser le gouvernement du jacobinisme impérial, il fallait prendre sa capitale. » Une lettre écrite par sir Hudson Lowe le 17 janvier 1814, au plus fort des succès éclatans, mais éphémères, que Napoléon remportait en Champagne, confirme l’assertion du général prussien. Dans cette lettre, adressée à sir Charles Stewart, il insistait pour qu’après s’être engagé comme on l’avait fait dans l’intérieur de la France, on n’hésitât pas à marcher sur Paris avec la pensée bien arrêtée d’y renverser l’empire, « le peuple français, disait-il, n’a pas assez de ressort pour le faire de lui-même. Il semble que toute susceptibilité d’honneur personnel et national soit éteinte chez les Français quant au point de savoir par qui ils sont gouvernés, mais ils verraient avec une complète indifférence les alliés se charger pour eux de cette tache. » Ce fut sir Hudson Lowe qui porta en Angleterre la nouvelle de l’abdication de Napoléon. Élevé enfin au grade d’officier général, décoré de l’ordre du Bain et des ordres de Prusse et de Russie, il fut chargé, après la paix, de l’inspection des forteresses que les Anglais continuaient à occuper dans les Pays-Bas. En 1815, lorsque le 20 mars eut rallumé pour quelques jours la guerre européenne, on lui donna le commandement des forces anglaises réunies à Gênes. Il ne tarda pas à occuper avec ces forces la ville de Marseille, et en cette occasion il eut à coopérer avec l’amiral lord Exmouth, dont j’ai cité la conduite envers le maréchal Brune.