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— Quelle calamité ! Et quand cela pourrait-il arriver ?

— Si c’est comme à Lisbonne, ce sera le 1er novembre prochain à dix heures du matin.

— Comment faire pour éviter une pareille catastrophe ?

— Rester en France, qui est le pays le moins sujet aux tremblemens de terre, et ne pas vous préoccuper d’une supposition impossible.

On croira peut-être que le consultant s’en va content d’être rassuré. Point du tout. Il regrette sa chimère. Il est malheureux de ne plus l’être.

Passons à des choses plus sérieuses.

Les tremblemens de terre sont un des accidens du monde physique faisant partie du domaine des sciences qui, — sous le nom de géographie physique, de cosmographie, de géologie, de physique terrestre et de météorologie, — ont embrassé tous les phénomènes passagers et imprévus qui diversifient l’aspect du globe suivant les climats, les saisons et la structure intime du sol. Il y a les météores du feu, de l’air, de l’eau et de la terre. La chaleur, la lumière, les feux électriques et la foudre sont dans la première catégorie. Dans la seconde sont tous les mouvemens de l’air depuis les brises légères de terre et de mer jusqu’aux trombes et aux ouragans qui rasent tout à la surface de la terre, y compris les édifices les plus solides, et quelquefois même aplanissent des collines. Dans la troisième division, on place les météores auxquels l’eau donne naissance, depuis l’imperceptible humidité qui se dépose en gouttes de rosée dans les nuits claires du printemps et de l’automne jusqu’à ces vastes inondations, ces envahissemens subits de la mer, qui sont aussi redoutables que les ouragans. Enfin la classe des météores terrestres embrasse les affections du sol, les eaux thermales et minérales, les volcans et leurs éruptions, puis les tremblemens de terre, près desquels, comme phénomènes destructeurs de l’espèce humaine, ni la foudre, ni les tempêtes, ni les inondations ne peuvent soutenir la comparaison.

Aristote, à qui nous devons cette classification météorologique, a très exactement décrit les effets des tremblemens de terre. Tantôt la terre est soulevée de haut en bas, tantôt il y a un mouvement d’ondulation dans le sol, comme des vagues qui se propageraient dans le terrain devenu fluide. Tantôt le choc souterrain précipite les objets dans le même sens, tantôt il les lance dans les deux sens opposés. D’autres fois, le mouvement du sol se fait en rond, et les masses envahies par le météore tournent sur elles-mêmes. Il y a les grandes et les petites oscillations, qui font, ou onduler lentement le sol, ou qui l’agitent à coups pressés et saccadés. Quand on pense combien l’Asie-Mineure, la Grèce, l’Italie et la péninsule ibérique ont été fréquemment ravagées par les tremblemens de terre et par l’action des feux souterrains, on voit qu’Aristote était bien placé pour faire la monographie du séismos. Ce mot, qui signifie secousse, est le nom grec du terrible météore qui nous occupe ici. Il est étonnant qu’Homère (à part Neptune qui ébranle la terre) n’ait point parlé de tremblemens de terre ni de volcans. Sans doute il a vécu dans une période de calme. On sait combien Virgile a saisi avec bonheur la description des paroxysmes de l’Etna, sur lesquels Homère avait été complètement muet.

L’histoire des tremblemens de terre et des cités populeuses détruites de