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plus ou moins heureuses que les âmes rencontreront dans les diverses planètes après leur mort. il accepte la résurrection de la chair, mais il interprète ce dogme en disant que notre me se formera un autre corps, lorsqu’elle sera dégagée du premier. Au reste, il est rempli de sentimens élevés et d’intentions excellentes ; il a l’amour de Dieu comme un théologien du moyen âge, et l’amour de l’humanité comme un philosophe des temps modernes ; mais que doit-on penser de sa tentative ? Elle attaque une vérité conquise par trois siècles d’efforts, — la séparation entière et absolue de la méthode philosophique et de la méthode théologique ; elle renverse tout principe de croyance en acceptant deux principes de croyance nécessairement distincts ; elle défait le passé, compromet l’avenir, et mérite d’être réfutée d’autant plus franchement qu’elle n’est pas la première, qu’elle ne sera pas la dernière, et qu’elle signale une inconséquence habituelle et naturelle de l’esprit humain.

Comparons donc la religion et la science ; cherchons sur quel fait primitif chacune d’elles asseoit sa croyance, pourquoi chacune des deux autorités détruit l’autre, pourquoi chacune des deux méthodes exclut l’autre, pourquoi toute tentative pour les confondre est à la fois contraire à la science et à la religion.

Qu’est-ce qu’une religion ? On le saura en considérant les sectes qui sont nées pendant les deux derniers siècles en Angleterre, et qui croissent tous les jours en Amérique. Ces pays sont des laboratoires où l’on peut étudier en grand, de près et tous les jours, les fermentations de l’esprit. Une religion est une doctrine qu’établissent deux facultés, l’inspiration et la foi. L’inspiration la fonde, et la foi la propage ; l’inspiration suscite ses auteurs, et la foi lui attire ses fidèles. Au commencement, il se rencontre des hommes qui se déclarent en commerce avec le monde surnaturel ; ils voient Dieu, ils pénètrent sa nature ; une voix intérieure leur dicte un symbole nouveau, et voilà qu’une métaphysique et une morale tout entières revêtues d’images sensibles se lèvent devant leur esprit ; ils subissent l’ascendant invincible du dieu qui leur parle. Ils montrent aux hommes le ciel où ils ont été ravis, ils répètent les paroles divines qu’ils ont entendues, et de cette vision primitive, publiée par une prédication ardente, attestée par des sacrifices héroïques, confirmée par un genre de vie extraordinaire, naît la religion. Les auditeurs, à leur tour maîtrisés, acceptent l’autorité du prophète. Ils n’ont pas besoin de raisonnemens pour le croire ; la foi s’impose à eux, comme la révélation s’est imposée à lui. Ils sentent qu’il voit, qu’il sait, qu’il communique avec le monde invisible, ils voient par lui ; ils lisent dans ses yeux, dans son accent et dans ses écrits les visions qui le possèdent ; il est pour eux comme un miroir où ils contemplent le monde surnaturel réfléchi. Et quand ils veulent exprimer la force nouvelle et toute-