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corps et de leur nature intime, que le microscope seul peut nous faire connaître. Elle était donc à peu près ignorée. On confondait les nerfs et les tendons. On ignorait quel organe sécrète la bile, quel autre fait le sang. Les glandes salivaires, le pancréas, les amygdales, les glandes lacrymales, etc., ne sont décrites nulle part, et Galien lui-même, qui a pourtant fait un traité sur l’usage des parties, n’en parle pas. On discutait pour savoir si les artères renferment de l’air ou du sang, et on ne se préoccupait ni des usages du foie ni de ceux du cœur. Pour Aristote, le premier de ces organes ne servait qu’à soutenir les veines, le second qu’à gonfler la poitrine. Dans toute cette portion de la science, le raisonnement n’est rien, l’expérience est tout, et les anciens ne savaient guère expérimenter. Il est impossible de deviner à priori pourquoi le foie sécrète de la bile et non de la salive, le pancréas du suc pancréatique et non du sang. L’observation seule, et l’observation fondée sur des connaissances précises en anatomie, doit éclairer cette science, que Haller a pu justement appeler anatome animata. Cependant il est une autre physiologie où l’expérience ne règne pas et où les spéculations et les hypothèses ont plus d’importance. Elle traite de la vie d’une manière générale, de l’intelligence et de son siège. C’est de cette physiologie seulement que se sont occupés les anciens, et ils s’étaient fait sur elle des opinions qui sont, sinon admises, du moins fort discutées encore aujourd’hui. Pour eux, cette science se confondait avec la philosophie, mais non à la manière de Broussais, qui n’admettait que la physiologie ; les anciens au contraire introduisaient la métaphysique dans la science de la vie. Pour eux, la vie, ce principe qui anime les plantes et les animaux, n’était pas un résultat des organes qui fonctionnent, ni, comme l’a dit Bichat, l’ensemble de ces fonctions ; c’était une cause, un principe qui s’unit au corps et qui s’en sépare à la mort. Ce principe est indépendant de l’organisation. Tel ou tel organe peut manquer sans qu’il soit altéré. C’est, comme l’a dit Hippocrate, un agent inconnu qui travaille pour le tout et pour les parties. La matière est inerte, et pour former avec de la matière un être vivant, il faut lui ajouter quelque chose, un principe animateur, la vie en un mot ; mens agitat molem.

Quoique ce principe anime le corps tout entier, cependant il réside plus particulièrement dans un organe, dans le cœur pour les uns, dans le phren ou diaphragme (de φρονέω, penser) pour les autres. Hippocrate et son école réfutent toutes ces opinions, et placent le principe vital dans le cerveau. Les raisons qu’on en donne sont singulières. « Ainsi, dit l’auteur du traité de la Maladie sucrée, l’un des plus remarquables de la collection, le phren doit son nom au hasard et non à la réalité et à la nature. Je ne vois pas quelle influence il peut avoir sur la pensée et l’intelligence. À la vérité, quand on éprouve à