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sans avoir rien à mettre à la place quant à l’origine de cette locution.

Le Patelin n’est point une comédie que le goût des modernes soit allé chercher dans l’oubli où elle avait toujours été gisante. « Parmi les écrivains d’élite et les plus spirituels du XIVe siècle, dit M. Génin, on tient à honneur de posséder son Patelin, et les allusions à cette excellente comédie sont une friandise dont Rabelais, Verville, Noël du Faïl, Bourdigné, Marot et jusqu’à Pierre Gringoire se piquent d’assaisonner leur style. Il est arrivé a la farce de Patelin comme aux pièces de Molière d’entrer tout à coup dans la popularité, et si profondément, qu’elle a laissé dans la langue des empreintes ineffaçables. Pasquier a fait un chapitre exprès des mots et façons de parler qui dérivent de cette origine ; il a relevé patelin, pateliner, patelinage, payer en baye, revenir à ses moutons, et quelques autres ; mais il en a oublié. Pour exprimer un homme subtil et qui en sait long, on disait proverbialement : « Il entend son patelin, jargon, patelin ; — parler patelin ou patelinois. » — « Mon ami, dit Pantagruel à l’escolier limousin, parlez-vous Christian ou pathelinois ? » Ce qui nous montre que dès ce temps la scène où Patelin parle divers langages était réputée inintelligible. Il est impossible ; on le voit, d’être mieux recommandé que Patelin, et pourtant, malgré cette faveur et ce renom, l’auteur est inconnu.

Le pathelinois, mot dont se sert Rabelais, a suggéré à M. Génin une conjecture sur l’étymologie de patois. Suivant lui, patois est une contraction de patelinois, auquel il ne saurait assigner d’autre étymologie. Citant ce vers de La Fontaine :


L’âne qui goûtoit fort cette façon d’aller,
Se plaint en son patois


il dit : « Se plaint en son patelinois, en son jargon à lui seul intelligible, » et il ajoute que déjà, en 1549, Eutrapel emploie cette forme resserrée du mot : « Aller rondement à la besogne, et parler son vray patois et naturel langaige. » À ne considérer que l’étymologie et ses règles, il aurait été difficile de faire venir patois de patelinois sans aucun intermédiaire qui marquât la libation ; mais, indépendamment de toute considération de ce genre, il y a une raison péremptoire contre la conjecture de M. Génin : c’est que patois est plus ancien non-seulement qu’Eutrapel, non-seulement que les Cent Nouvelles nouvelles, où il est employé, mais même que le Patelin. En effet, il se trouve plus de deux cents ans auparavant dans le Roman de la Rose :

Lais d’amour et sonnés cortois
Chantoit chascun en son patois (v. 710).