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ces lèvres fines ont pu jaillir des traits piquans ou s’épancher des périodes harmonieuses ; sur ce visage animé, inquiet, vous pouvez lire une vie mêlée d’élans courageux et de faiblesses passagères rachetées par une noble mort.

Allez au Forum, comme dit Byron, encore tout enflammé de Cicéron, burns with Cicero : vous y verrez les vestiges du temple de la Concorde, où le sénat s’était rassemblé pour juger Catilina. La base des rostres anciens est encore debout. La tribune aux harangues elle-même est figurée sur un bas-relief de l’arc de Constantin. Rien ne vous empêche donc de la relever par la pensée et d’écouter Cicéron y prononçant ses Catilinaires, s’adressant au sénat réuni dans le temple de la Concorde, qui est à sa gauche, et au peuple, qui est dans le Forum, à sa droite, c’est-à-dire à vous, ad senatum et ad vos, comme il dit lui-même. Remplissez les alentours de tumulte et de désordre ; que Cicéron, menacé par des bandes de gladiateurs, vienne, entouré de jeunes patriciens, appeler sur les complices de Catilina le supplice qui les attend à deux pas, dans la prison Mamertine, où il les fera étrangler. Toute la destinée de Cicéron est en ce lieu : ici, aux rostres anciens, sa lutte victorieuse, sa gloire, son triomphe ; retournez-vous : à l’autre extrémité du Forum, vous reconnaîtrez le lieu où étaient les rostres nouveaux, élevés par César. Là Cicéron a aussi parlé, là il a prononcé contre Antoine ces Philippiques mordantes que le triumvir ne devait point lui pardonner. C’est à ces rostres nouveaux, où Antoine lui-même avait prononcé, en présence du corps sanglant de César, le discours qui, en changeant les dispositions du peuple, décida peut-être de l’avenir de Rome, c’est là qu’ont été clouées les mains coupées et la langue muette du grand orateur, lâchement accordé aux rancunes d’Antoine par l’ingratitude d’Octave.

Entre ces deux momens de la destinée de Cicéron et entre les deux extrémités du Forum, théâtre de cette destinée, se placent bien des souvenirs qui le concernent. Là bas était la curie qui fut consumée par l’incendie qu’allumèrent les amis de Clodius en brûlant son cadavre. Vous transportant en esprit dans l’antiquité, vous pourrez voir d’ici, sur le Palatin aujourd’hui désert, le lieu où la maison de Cicéron (au sujet de laquelle il prononça les deux discours que vous connaissez) s’élève parmi les maisons de Lucullus, de Catulus, dans le beau quartier de Rome. Ces splendides demeures qui bordent le Palatin, d’où elles ont une vue si magnifique sur les monumens du Forum et les temples du Capitole, vous empêchent de découvrir un peu en arrière la maison de Catilina, le mortel ennemi de Cicéron, et qui était son voisin. Si vous voulez suivre l’histoire du procès de Milon, vous trouverez