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pas changé de dispositions, que la parole de sa majesté impériale en devait être un gage sacré, qu’elle ne songeait à aucune hostilité envers la Suède, et le 16 du même mois l’empereur lui-même prenait Dieu à témoin de son désintéressement !

Évidemment le gouvernement suédois a été joué indignement, ce qui n’excuse pas son aveugle confiance, mais ce qui accuse et condamne Alexandre et la Russie. Tout n’était pas perdu cependant, si le roi montrait quelque sagesse en présence du danger : la suite de la guerre a fait voir que la Finlande pouvait se défendre elle-même, pourvu qu’on la laissât faire, jusqu’à ce que les troupes suédoises pussent venir à son secours ; mais Gustave, par ses bizarres instructions, sembla prendre à tâche d’empêcher toute résistance, et pendant ce temps Svéaborg fut livrée à prix d’argent. Gustave devait resserrer son alliance avec l’Angleterre, la seule amie qui lui restât : il n’en fit rien ; on le vit exiger du cabinet britannique des subsides supérieurs aux précédens, et s’irriter étourdiment d’un refus. Le ministre d’Angleterre étant venu lui apporter cette réponse le 24 février 1808, le roi entra dans un violent accès de rage ; il se précipita droit sur le ministre. Celui-ci, persuadé qu’il voulait lui passer son épée au travers du corps, s’inclina et trouva la porte. Gustave, l’air sauvage et égaré, revint s’asseoir dans son cabinet et écrivit aussitôt un ordre d’embargo sur tous les navires anglais dans les ports de Suède, une déclaration de guerre au cabinet de Londres, etc. Il écrivit aussi dans son transport une lettre où il annonçait au roi de Danemark qu’il voulait s’unir à lui contre la Grande-Bretagne ; mais on vint lui apprendre que le Danemark lui-même songeait à envahir la Scanie. En effet Gustave, désespérant de pouvoir secourir en ce moment la Finlande, semblait avoir abandonné cette province, sauf sans doute à essayer de la reconquérir après la mauvaise saison, et il avait donné récemment l’ordre à une armée d’aller, en compensation, conquérir la Norvège. On comprend quelle avait dû être l’irritation du cabinet de Copenhague, à qui cette province appartenait alors. Avant même que Gustave eût fait partir les lettres qu’il venait d’écrire, le 24 février au soir, on lui apporta quelques exemplaires des proclamations que des ballons danois, lancés des côtes de Seeland, avaient répandues en Scanie ; on y engageait les paysans à se replacer sous la domination de Frédéric VI ; on leur annonçait une invasion prochaine qui les délivrerait du joug suédois. Ehrenheim, président de la chancellerie, voulut profiter de cette conjoncture pour amener Gustave à traiter avec la Russie ou à se réconcilier avec l’Angleterre, afin de ne pas être seul contre tous ses ennemis ; à peine fut-il écouté. « Je me battrai avec eux tous, répondit le roi en frappant du poing sur sa table, mais d’abord et surtout avec les