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5 grammes d’argent au titre de 9/10, elle déclare en outre qu’il sera fabriqué des pièces d’or de 20 francs et de 40 francs, et en détermine le poids et le titre. Une nouvelle loi peut changer l’unité monétaire ou le rapport de l’or à l’argent ainsi établi, mais aucun créancier d’une obligation exprimée en francs ne peut refuser les offres de paiement que lui fait son débiteur en monnaie légale d’or ou d’argent, à son choix. Si la solution était moins évidente, il faudrait regretter que la question ait été posée. En matière de finances, on doit se garder de jeter des doutes là où il n’y en a jamais eu. La loi de l’an XI est absolue ; mais le fût-elle moins, ce serait offenser la foi publique que de changer la manière dont elle est comprise et pratiquée depuis près de soixante ans par le bon sens universel.

N’y a-t-il donc rien à faire ? En matière de monnaie tous les changemens sont dangereux, et les combinaisons les plus réfléchies ne sont pas à l’abri de tout inconvénient. La Hollande, à l’occasion d’une refonte nécessaire de sa monnaie d’argent, a diminué le poids du florin, son unité monétaire, et a autorisé tous les débiteurs à se libérer avec un poids d’argent moindre que celui qu’ils s’étaient obligés de fournir. La monnaie d’appoint peut supporter ces déviations, mais pour la monnaie courante elles sont très sujettes à critique.

Notre système monétaire ne gêne pas les transactions, il les favorise notablement au contraire. Au point de vue de l’art, la monnaie n’est-elle pas droite de poids et de titre et appréciée même en pays étranger ? Pourquoi la changer ? On exporte, dit-on, la monnaie d’argent et on lui substitue la monnaie d’or ; mais où est l’inconvénient si la monnaie d’or ne peut pas être dépréciée sans que la monnaie d’argent le soit aussi ? C’est une erreur de croire que la France y perd. Quand l’argent sort, c’est avec sa prime, c’est en achetant plus de marchandises étrangères que la même somme en or ne pourrait le faire. Quand l’or s’importe, c’est le contraire ; le marchand français exige un prix plus élevé. Si l’or s’échange au pair contre des pièces de 5 francs, c’est que l’argent ne gagne pas de prime, et c’est là le fait le plus général. Jusqu’à présent, la prime n’est que l’exception et ne s’applique qu’aux affaires des grandes places.

Les États-Unis ont introduit une modification récente à leur système monétaire, afin de retenir dans leur circulation la menue monnaie, que l’exportation leur enlevait à mesure qu’elle était frappée. Traitant la menue monnaie comme une monnaie d’appoint, ils ont frappé, à un poids assez faible pour décourager l’exportation, des demi-dollars et des quarts de dollar pour une somme qui atteint déjà 90 millions de francs[1]. Ils ne se sont pas autrement préoccupés

  1. La presque totalité de la monnaie d’argent qui avait cours aux États-Unis avait été exporté et remplacée par de la monnaie d’or peu convenable pour les appoints et les petits paiemens. Le manque de menu monnaie avait donné lieu à l’émission de petits billets de banque d’une valeur douteuse. Un loi du 3 mars 1853 a statué qu’il serait frappé des demi-dollars et des quarts de dollars d’un poids de 3 ou 4 pour 100 inférieur à l’ancien poids légal, et cette mesure a eu un plein succès. Le directeur des monnaies aux États-Unis le déclare dans un rapport officiel que vient de publier le journal anglais l’Economist.