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l’unité monétaire romaine a commencé à être frappée en or. Malgré les variations qui suivirent, cette base monétaire se maintint jusqu’au Bas-Empire.

Toutefois ces faits, si intéressans qu’ils soient, ne sont pas assez concluans dans la question ; ils seraient d’une plus grande importance si les historiens nous entretenaient des réactions qu’ils ont exercées sur les affaires publiques et privées, s’ils nous montraient que l’abaissement de la valeur de l’or entraîne un abaissement analogue dans la valeur absolue de l’argent, ou s’ils nous apprenaient quelles ont été les conséquences des lois établies pour rapprocher à chaque variation la valeur nominale de l’or et de l’argent, nécessairement troublée par la relation de la demande et de l’offre, ou les déplacemens produits par le pillage et les conquêtes.

L’histoire du moyen âge est au point de vue de la monnaie plus obscure que celle de l’antiquité à cause du faux monnayage universel, et aussi peu instructive par l’absence d’observations spéciales. On estime que du IXe au XVIe siècle, c’est-à-dire depuis Charlemagne jusqu’à l’arrivée en Europe des métaux précieux du Nouveau-Monde, le rapport de l’or à l’argent a varié entre 1 à 12[1] et 1 à 10, et que les variations ont été tantôt en faveur de l’or, tantôt en faveur de l’argent. Ces faits ne paraissent pas avoir vivement frappé l’attention des historiens, quoiqu’ils aient tenu grand compte des fraudes monétaires de cette période et de leurs funestes effets. On pourrait en conclure que la variation du rapport des métaux a été insensible et n’a donné lieu à aucune perturbation particulière appréciable, et l’on serait conduit à dire que nous, qui, après cinquante ans, sommes en présence d’une variation à peine constatée du rapport des métaux précieux, nous nous préoccupons de dangers et de difficultés imaginaires.

Mais laissons ces temps peu connus : l’histoire moderne nous offrira les lumières qu’ils nous refusent et nous permettra de nous appuyer sur deux ordres de faits aussi certains que concluans. Premièrement, en tenant compte des erreurs que les dénominations trompeuses des monnaies ont souvent fait commettre, les écrivains les plus autorisés admettent que dans les deux derniers siècles le rapport de l’or à l’argent s’est élevé de 1 à 14 à 1 à 16 ; il y a cinquante ans, ce rapport était de 15 1/2 et à peu près ce qu’il est en ce moment. Ce n’est que momentanément que les guerres de l’empire et dernièrement la révolution de 1848 l’ont élevé jusqu’à 16. En second lieu, nous savons que depuis la découverte de l’Amérique

  1. M. Leber, dans son mémoire sur l’Appréciation de la fortune privée au moyen âge, cite le passage suivant de l’édit de Pistes de 864 : Ut in omni regno nostro, non amplius vendatur libra auri nisi duodecim libris argenti.