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de tous, et le plus intéressant, parce qu’il portera témoignage, par la profondeur de sa chute, de la puissance de la rédemption.

« Quand ce jour viendra, il n’y aura plus de souffrance. L’ère de la foi sera close, car ce sera la jouissance ; l’ère de l’espérance sera close, car ce sera la possession. Il n’y aura plus de sacremens, car on aura la substance ; il n’y aura plus de ministres pour enseigner, car tous apprendront directement de Dieu, et tous les troupeaux seront absorbés en un seul. Les élus seront rassemblés des quatre vents du ciel ; le verre à travers lequel nous ne voyons aujourd’hui que confusément sera brisé, et nous verrons face à face ; les enfans de Dieu se manifesteront, et l’église apparaîtra brillante comme le soleil, belle comme la lune, et terrible comme une armée avec des bannières… »

Tel est le point de vue sous lequel le docteur Cumming envisage la un prochaine de notre monde. Mais sur quelles données, sur quels faits s’appuie-t-il pour considérer comme si proches la restauration et la rédemption, nous ne disons pas des âmes, mais de la nature ? Est-ce dans le spectacle des événemens contemporains qu’il puise le pieux espoir de voir la terre bientôt purgée du péché, de la malice, de la maladie, de la douleur, en un mot relevée de la chute ? Que nous soyons les témoins, les instrumens, et même les victimes passagères d’une grande transformation sociale, que nous soyons à la veille d’une transformation plus grande encore, nous le croyons sans être prophète ni interprétateur de prophéties ; mais il faudrait une bien monstrueuse ou bien puérile présomption pour imaginer que le monde va finir parce que nous finissons, et qu’il n’a pas d’autre lendemain que le nôtre, de même qu’il faudrait une fabuleuse confiance dans les mérites de notre génération pour croire qu’elle sera rachetée et restaurée ici-bas sans avoir passé par de terribles châtimens et d’épouvantables hécatombes. Et encore faudrait-il s’entendre sur ce mot de fin du monde, car le docteur Cumming tout le premier considère qu’il y en a déjà eu plusieurs depuis la chute. Ainsi le déluge en a été une, l’exode ou la sortie d’Égypte en a été une autre, la venue du Christ une autre. À ce compte, toutes ces fins du monde seraient des fins d’époques, et certainement aucun de nous ne prétendra que la nôtre ne doit pas finir. Un historien anglais, un homme pourtant très positif et très rationaliste, le docteur Arnold, disait, il y a une dizaine d’années : « L’histoire moderne semble être non-seulement un pas en avant sur l’histoire ancienne, mais le dernier pas ; elle semble porter les marques de la plénitude du temps, comme s’il ne devait plus y avoir d’histoire au-delà. Si donc, sans excès de confiance, nous voyons des signes, si incertains qu’ils soient, que nous vivons dans la dernière période de l’histoire du monde, qu’il ne reste plus après nous d’autres races pour achever ce que nous avons laissé imparfait, ou rétablir ce que nous avons détruit, alors l’histoire moderne acquiert un intérêt incalculable. » Le docteur Arnold était professeur d’histoire moderne, et peut-être la préoccupation de son cours exerçait-elle une certaine