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La lune ne brillait-elle pas de la même manière à travers les feuilles du berceau qui abritait notre amour ? Des dieux de marbre ne faisaient-ils pas au seuil, comme aujourd’hui, une garde silencieuse ?

Hélas ! je sais comme ils changent, ces beaux rêves trop charmans, et comme les fleurs se fanent, et comme les arbres s’enveloppent d’un froid vêtement de neige.

Je sais comment nous en viendrons à nous refroidir nous-mêmes, et à nous fuir, et à nous oublier, nous qui aujourd’hui nous aimons si tendrement, nous qui nous serrons si tendrement cœur contre cœur.

XXVIII.

Les baisers dérobés dans l’ombre et dans l’ombre rendus, ah ! ces baisers si doux, comme ils enivrent de bonheur l’âme qui aime !

Bercée de doux souvenirs et de pressentimens plus doux encore, notre âme pense alors à maintes choses des jours passés, à maintes choses aussi des jours à venir.

Mais trop penser est fastidieux quand on s’embrasse ; pleure plutôt, chère âme, et soulage-toi par des larmes.

XXIX.

Il y avait un vieux roi ; son cœur était fatigué, sa tête était grise. Le vieux roi prit une jeune femme.

Il y avait un beau page ; sa tête était blonde, son esprit léger. De la robe de soie de la jeune reine le beau page portait la queue.

La vieille chanson, la connais-tu ? Elle résonne si doucement, si tristement elle résonne ! Ils durent mourir tous deux, ils s’aimaient trop.

XXX.

Dans mon cœur refleurissent les images depuis longtemps éteintes….. Qu’est-ce qu’il y a dans ta voix qui fait tressaillir mon âme ?

Ne dis pas que tu m’aimes ! Je sais que tout ce qu’il y a de plus beau sur la terre, le printemps et l’amour, doit misérablement périr.

Ne dis pas que tu m’aimes ! embrasse-moi seulement et tais-toi ; tais-toi et souris, si je te montre demain ce bouquet de roses fanées et flétries.

XXXI.

Enivrées du clair de lune, les fleurs du tilleul épanchent leurs parfums, et les bois et les airs retentissent des chants du rossignol.

« Il est doux, ô bien-aimé, de s’asseoir sous ce tilleul, quand les rayons d’or de la lune brillent à travers son feuillage protecteur.

« Regarde cette feuille, tu verras qu’elle a la forme d’un cœur ; c’est pour cela qu’entre tous les arbres les amoureux choisissent de préférence le tilleul et aiment à deviser sous son ombre.