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à des formes de protestation un peu puériles ou plus pompeuses que de raison, il faut le reconnaître sans doute. Certain cachet dont il se servit jusqu’au dernier jour, et sur lequel il avait fait graver la figure d’un bossu étouffant un serpent, allusion assez prématurée d’ailleurs au triomphe du maître sur les haines qui l’avaient assailli ; certain monument élevé dans son jardin et décoré, en manière d’inscription votive, des mots dont le Diario s’était si fort scandalisé ; d’autres provocations du même genre durent servir à alimenter la guerre plutôt qu’à décider la réforme. Il faut reconnaître aussi que ces exagérations ou ces vengeances avaient pour le moins une excuse dans l’état actuel de l’école et dans la situation personnelle de Bartolini. Il avait affaire à des gens empoisonnés de si longue main, qu’il lui était bien permis de forcer quelque peu la dose des antidotes, et, d’un autre côté, les attaques dont il était l’objet avaient un tel caractère de violence et d’injustice, qu’il devait se raidir malgré lui dans la résistance, sous peine de paraître atteint, sinon vaincu. On ne saurait croire quelles critiques amères, quels longs ressentimens valurent au sculpteur florentin ses efforts pour régénérer l’enseignement. Tantôt, dans une séance solennelle de l’académie de Milan, académie dont Bartolini était membre, le secrétaire de la compagnie lit un discours où il relègue parmi « les présomptueux, » parmi « les hommes qui confondent la vanité avec la gloire, » le seul artiste vraiment éminent que possédât alors l’Italie. Tantôt, au sujet de changemens proposés dans le mode de concours académique, on imprime, — et cela à Florence même, — une diatribe contre le maître, à qui l’on fait mine d’opposer comme des rivaux sérieux les autres académiciens et jusqu’aux élèves formés à leur triste. école. Tantôt enfin c’est un journal de Rome, et après celui-ci un journal de Modène, qui l’accusent de professer le mépris pour l’antique, et l’engagent à méditer je ne sais quelles théories sur l’invention, la composition et l’exécution, — le tout entremêlé d’un projet de giardinetto ideale où Bartolini aurait pu se contenter de laisser errer en paix ceux qui s’offraient à lui servir de guides. On conçoit néanmoins l’impatience que dut lui causer cette affectation à tourner en dénigrement systématique de l’antiquité ce qui n’était chez lui que discernement entre les chefs-d’œuvre et les morceaux secondaires. Cette fois encore il voulut en appeler au public des sentimens qu’on lui prêtait. « Personne, dit-il dans une réponse publiée par le Commercio le 24 août 1842, personne ne peut être intéressé plus que moi à rendre clairs certains points de mon enseignement qu’on a jusqu’ici fort mal compris ou interprétés… Soyez persuadé que moi aussi je vénère les monumens de l’art antique partout où ils se trouvent, et particulièrement les débris si précieux des ouvrages du divin Phidias et de son