Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutefois dans la circonstance présente : chacun est convaincu que la terre est solide et inébranlable, que le terrain est froid et humide, qu’en creusant des puits profonds ou des mines on trouve de l’eau et non du feu. Aussi, au moment où l’on énonce les conclusions modernes de la science relativement au feu central, à la mobilité des continens, qui flottent sur un noyau incandescent, un cri d’incrédulité s’échappe-t-il de toutes les bouches. — Monsieur, je ne croirai jamais que des terrains, des roches dures puissent flotter sur quelque chose de mou et de fondu. — Monsieur, d’après votre système, il n’y aurait qu’à creuser un puits assez profond pour y puiser de la chaleur : ce serait fort utile, mais c’est parfaitement inadmissible. — Et puis, pourquoi la terre ne tremble-t-elle pas tous les jours, si elle porte sur un noyau liquide ? — Pourquoi le feu central ne nous arrive-t-il pas à la surface du globe comme l’eau d’un lac arrive à la surface quand les glaçons viennent à se casser ? Faites donc attention que nous sentirions sous nos pieds cette grande chaleur centrale que vous admettez, et que les glaces des pôles et celles des glaciers de la Suisse seraient bien vite fondues. — Suivant vos idées, un trou profond dans la terre, une cassure entre les roches disloquées des terrains accidentés deviendraient une véritable marmite dont le fond serait comme sur le feu, et qui, étant remplie d’eau par les sources souterraines, fournirait de l’eau bouillante par son trop-plein. Il suffirait ainsi de creuser une galerie profonde pour y avoir la chaleur de l’été ! Comment expliquez-vous d’ailleurs les volcans avec votre feu central ? Si ce feu naturel fondait l’écorce qui fait notre continent, nous serions brûlés misérablement, nous et tous les objets qui nous environnent. — Puis viennent les questions : Y aura-t-il bientôt des tremblemens de terre ? En quelle saison arrivent-ils ? Peut-on les prévoir, s’en garantir, etc. ? Sans m’astreindre à suivre les questionneurs dans leurs exigences, voici des réponses catégoriques à toutes ces demandes.

D’abord il est important d’arriver à la fluidité centrale de la terre autrement que par des inductions théoriques. Si grande que soit l’autorité de Laplace, nous sommes loin des temps et des idées des pythagoriciens, qui se contentaient de l’αὐτος ἐφα (autos epha), le maître l’a dit.

Or, dès qu’on s’enfonce dans la terre d’environ 31 mètres, on trouve la couche inférieure plus chaude d’un degré, en sorte qu’à une profondeur assez petite comparativement aux dimensions de la planète, tout doit se trouver en fusion, surtout si l’on considère que tous les matériaux dont nous pouvons supposer que l’intérieur du globe est composé, — comme les laves, les porphyres, les trachites, les pierres cornéennes, les amphiboles et tout ce que rejettent les volcans, — sont des substances bien plus fusibles que le granit, les cailloux, les roches aluminiennes, tout ce qui enfin, sous l’influence de l’eau et des météores, s’est cristallisé et dégagé des mélanges par lesquels s’augmente en général la fusibilité des matériaux. On peut consulter là-dessus un mémoire de M. Cordier, de l’Institut, où il a rassemblé tout ce que les observations faites dans des mines profondes ont appris sur cet accroissement universel de température à mesure que l’on descend vers le centre de la terre, si bien qu’à une grande profondeur on n’aurait d’autre embarras que de se prémunir contre l’excès de la chaleur. Dans les mines de charbon de terre des Cornouailles et dans les mines de sel de Wielicza en