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pour y célébrer tous ensemble les fêtes latines, feriœ latinœ. Ce sanctuaire du Latium, toujours honoré et rebâti sans doute plusieurs fois par les Romains, existait vers le milieu de XVIIIe siècle, et il a fallu qu’un Stuart banni, le cardinal d’York, vint là pour le détruire et élever sur ses fondemens, reconnaissables encore, le couvent des passionnistes.

Ces peuples ne paraissent pas avoir eu de villes aussi considérables et aussi fortifiées que l’était Rome. Rome, qui les eut bientôt dépassés par sa grandeur, et, je crois, par la supériorité de son institution politique, était cependant sortie du sein de ces populations analogues entre elles et analogues à elle-même. Elle dut son premier accroissement à des tyrans plus civilisés qu’elle ; elle dut le reste à ce qu’il y eut de particulier dans sa fortune et son génie. Les Romains n’en furent pas moins, durant les premiers siècles de la république, une nation de même sorte que celles qui les entouraient, une nation latine.

On ne saurait croire qu’avant le VIe siècle Rome n’ait eu aucunes relations avec la Grèce. Il est vrai qu’on ne saurait non plus admettre les origines helléniques données par les historiens, et surtout par les historiens grecs, aux peuples et aux villes de l’Italie. À les en croire, les Sabins seraient les descendans des Spartiates, filiation fabuleuse qu’avait probablement fait imaginer la rigidité proverbiale des mœurs sabines. Plusieurs villes d’Italie avaient eu pour fondateurs des demi-dieux ou des héros grecs, Hercule, Diomède, Ulysse ; d’autres, des héros troyens ; Padoue, par exemple, Anténor, dont on montre encore aujourd’hui le prétendu tombeau dans une rue de la ville ; Albe, le pieux Enée, en mémoire duquel la truie célébrée par Virgile figure dans les armes de la ville de Tivoli, tandis qu’au dire d’Homère les descendans d’Enée régnèrent à Troie. Non-seulement des villes, mais des familles se donnaient une origine grecque : la famille Manilia prétendait descendre de Télégone, fils d’Ulysse et de Circé. Les Jules étaient, comme on sait, issus en ligne droite d’Anchise et de Vénus. Ces descendances ressemblent beaucoup à celle des rois mérovingiens, issus de Francus, fils d’Hector, par le fabuleux Pharamond. Elles furent forgées le plus souvent par la complaisance des Grecs pour des vainqueurs que leur vanité se plaisait à faire descendre de héros de leur nation, et acceptée avec empressement par la vanité des Romains quand la Grèce devint à la mode, et qu’ils voulurent avoir des aïeux.

Cependant quelque vérité peut se cacher sous ces fables comme sous toutes les fables, et il n’est pas impossible que d’anciennes colonies grecques se soient établies sur les bords de l’Adriatique et de la mer Tyrrhénienne, comme on en voit s’établir de si bonne heure