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abondait en savoir, à défaut de décision et d’influence. Quel meilleur usage à faire de cette vieille diplomatie que de la confier rétrospectivement à l’histoire, que d’en éclairer à propos les annales de notre pays et le récit des événemens qui ont servi à la formation et à l’unité de la France ? Nous ne pouvons en même temps trop inviter M. d’Haussonville à poursuivre sa tâche pendant qu’il a la vive impression et la ferveur de son sujet. Il en est de l’étude historique d’une ancienne époque comme d’un voyage en pays étranger : on en a d’abord la curiosité et le goût; on porte un intérêt passionné à tous les objets, comme à autant d’aspects nouveaux des lieux et des hommes; on voit tout, parce qu’on regarde avec attention, et si parfois on est ébloui, l’éblouissement n’est pas sans charme, même pour autrui, parce qu’il est plein de vérité pour nous-mêmes. Ayant pris l’accent de la contrée, on la comprend mieux, et on la décrit dans un langage qui lui ressemble. Tel est littérairement le mérite incontestable et distingué du premier volume de M. d’Haussonville; telle est la supériorité que l’auteur gardera dans la suite de cet ouvrage, s’il le continue vivement, comme il l’a conçu, sous l’inspiration directe et le commerce assidu des faits et des hommes qu’il décrit.

On ne peut trop accueillir et trop honorer, dans l’instabilité de nos temps, dans nos vicissitudes de destinées individuelles comme d’institutions publiques, cette aptitude à changer de carrière, ou à se passer tout à fait de son ancienne carrière, et à trouver dans l’étude, dans le travail spéculatif un noble emploi de ses loisirs et des forces de son esprit. M. le comte d’Haussonville, par l’indépendance de sa situation sociale, par l’éducation de sa jeunesse, par les goûts sérieux de son esprit, par son caractère et ses principes, était naturellement appelé à faire longtemps partie de ces chambres législatives où il a paru quelques années avec distinction. Chez nos braves alliés, les Anglais, il eût été vingt ou vingt-cinq ans de suite réélu membre de la chambre des communes, s’attachant soit à y défendre, soit à y blâmer la marche du pouvoir, selon qu’elle lui aurait paru se rapprocher ou s’éloigner de certains principes de liberté, de justice légale et de perfectionnement éclairé, qu’il faut toujours recommander à la politique active et fortifier dans l’esprit d’une nation; puis, à son jour, par un privilège de naissance qu’auraient pleinement justifié les services, comme cela se fait sans cesse en Angleterre, comme nous en avons vu quelques nobles exemples durant nos études de gouvernement représentatif, il serait passé à la chambre des pairs, toujours occupé de recherches et de travaux, mais les vouant surtout à l’intérêt public, à ces questions de réformes graduelles, d’améliorations et parfois de hautes réparations sociales, qui ne manquent jamais de s’élever dans un grand état librement gouverné, et qui