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né- d’où est sortie ralliance nouvelle contractée à Vienne. On dit même qu’au dernier moment le roi de Prusse a tout fait pour en suspendre la conclusion. Il aurait supplié, au nom du ciel, par le télégraphe, qu’on ne signât pas ; on a signé néanmoins. Le jour de l’ouverture des chambres prussiennes, le roi Frédéric-Guillaume disait dans son discours que sa mission était de soutenir la paix, la modération, mais que s’il se voyait obligé de donner une expression plus marquée à l’attitude de la Prusse, il comptait que son peuple fidèle saurait supporter les sacrifices inévitables qui en seraient la suite. On ne pourrait en conclure absolument que le cabinet de Berlin fût décidé à suivre l’Autriche dans la voie où celle-ci allait entrer. C’est là cependant ce qui est le plus probable. En accédant, comme il le fera sans doute, au traité nouveau, le cabinet de Berlin cédera à l’impulsion universelle, à cette force des choses qui semble le dominer et le guider dans ses résolutions. C’est là en effet le malheur de la Prusse de se laisser conduire là où elle aurait pu si aisément prendre une initiative utile pour elle, efficace pour l’Europe, d’être devancée partout et de n’avoir nulle part l’influence que donne une politique prévoyante et forte. Maintenant la situation de l’Allemagne se résume dans deux faits : d’un côté, c’est l’article additionnel par lequel la Prusse s’engage à soutenir l’Autriche dans les principautés et sur son propre territoire, — article qui se trouve étendu à toute l’Allemagne par une décision récente de la diète de Francfort ; — de l’autre côté, c’est le traité signé à Vienne entre l’Autriche, l’Angleterre et la France. Et ce qui achève de caractériser cette situation, c’est que la diète de Francfort s’est approprié l’article additionnel du 26 novembre, lorsque le traité du 2 décembre était déjà conclu, c’est-à-dire en pleine connaissance des conséquences qui pouvaient résulter des engagemens nouveaux de l’Autriche.

Ainsi se poursuit et se dessine ce travail diplomatique qui vient aboutir, du moins en ce moment, à un acte dont la portée peut se faire promptement sentir, et pendant ce temps nos armées continuent leur campagne héroïque en Crimée. Elles n’ont point eu depuis quelques jours à livrer de nouveaux combats à l’armée russe, mais elles ont eu à combattre les élémens. Les soldats de l’Angleterre et de la France ont eu à poursuivre leurs opérations sous des pluies torrentielles ; nos escadres ont eu à soutenir le choc d’une tempête effrayante, durant laquelle plusieurs de nos vaisseaux ont sombré. C’est là le côté lugubre de la guerre, comme aussi un des plus tristes et des plus douloureux épisodes de cette lutte est l’atteinte que le duc de Cambridge paraît avoir reçue. Le duc de Cambridge avait été violemment impressionné par le carnage terrible d’inkerman, où la canonnade surpassait celle de Waterloo, selon le témoignage de lord Raglan ; il avait eu à supporter en mer la tempête du 14 novembre ; il s’est trouvé hors d’état de rester sur ce champ de bataille, où il s’était distingué. La guerre d’ailleurs ne se concentre point uniquement en Crimée. Tandis que nos soldats débarquaient sur le sol russe, presque le même jour où ils gagnaient la bataille de l’Alma, nos vaisseaux attaquaient le port et les défenses extérieures du port de Petropolowski, dans l’Océan-Pacifique. La seule la grande question qui se dégage de cet ensemble de faits diplomatiques et militaires, c’est celle de