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physiciens veulent donc avant tout étudier les lois de la nature, et la science qu’ils construisent si laborieusement ne vise qu’à l’interprétation des règles qui gouvernent la matière; les applications aux besoins des hommes en sont le corollaire, mais non le principe. Cette science purement spéculative, dont l’attrait est invincible, ne sera complétée que lorsqu’il ne restera rien d’inconnu dans le monde physique. S’il est désespérant de s’avouer que cette perfection ne sera jamais atteinte, on peut se consoler en songeant à la suite indéfinie de créations utiles que l’humanité devra aux progrès futurs de la science.

Dans tous les temps, la physique a fait des découvertes; seulement elles étaient rares autrefois, et de nos jours elles sont fréquentes. Elles sont loin d’avoir toutes la même valeur, et l’on peut dire qu’elles sont de deux sortes. Les unes, réservées aux talens modestes, portent sur des faits de détail; elles ne changent rien aux idées générales du moment, mais, acceptant les théories comme vraies, elles les complètent en élucidant les points obscurs, en perfectionnant les procédés, en simplifiant les démonstrations. Les autres, plus rares et d’un ordre plus élevé, viennent brusquement révéler un principe nouveau ou un phénomène primordial qui agrandit ou transforme les théories; elles sont le point de départ de travaux prolongés et de découvertes successives qui en sont les conséquences : telle a été l’invention de la vapeur ou de la pile de Volta. Ces grandes découvertes, qui datent dans l’histoire, se personnifient le plus souvent dans le nom des inventeurs qu’elles illustrent, et que les annales de la science conservent avec un respect proportionné à l’importance des résultats. L’homme dont nous allons étudier les travaux a été un de ces inventeurs privilégiés. Sans avoir un génie de tout point égal à celui des grands maîtres, Macedonio Melloni était doué d’une persévérance opiniâtre qui en tient lieu quelquefois. Il n’a découvert aucun agent nouveau, mais il a contribué pour une large part à analyser la nature de la chaleur. Il n’a point déduit de ses études quelqu’une de ces applications qui font d’un savant un bienfaiteur de l’humanité, mais la science lui doit un de ces rares progrès philosophiques qui la transforment. On peut regretter qu’il n’ait point achevé seul l’œuvre qu’il avait entreprise, et qu’il se soit laissé dépasser par des rivaux ou des élèves; mais il avait créé un instrument et donné des modèles qu’il n’y avait plus qu’à employer et à suivre.

L’histoire de la vie scientifique de Melloni résume en quelque sorte le mouvement des sciences physiques au XIXe siècle dans une de leurs directions les plus fécondes, c’est-à-dire dans la voie de ces études sur les propriétés comparées de la chaleur et de la