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Tout ceci, je le sais, n’est entièrement vrai que de la religion philosophiquement comprise. La foi chrétienne nous en dit davantage, elle nous enseigne une révélation, c’est-à-dire que la vérité elle-même s’est montrée à la connaissance. Tous les chrétiens sont d’accord sur ce point : Dieu s’est révélé à l’homme. La vérité religieuse, en descendant sur la terre, a donc laissé après elle une vraie connaissance religieuse, et c’est la religion chrétienne ; mais elle aussi, parfaite dans son objet, elle ne le saurait être dans l’esprit de l’homme. Manifestée à travers la chair, exprimée en langage humain, encadrée dans les formes de notre intelligence relative et limitée, elle ne peut être en nous ce qu’elle est dans sa source divine. Elle se diminue, si j’ose ainsi parler, à notre mesure. Tout l’espoir, tout l’orgueil de notre foi ne peut que nous persuader, non pas que notre croyance est toute la vérité, mais qu’il y a vérité dans notre croyance. La grâce même ne transforme pas le fidèle d’une manière absolue. Jusque dans le saint l’homme reste, c’est-à-dire un esprit faible et un cœur fragile. Ce qu’on dit des saints se doit dire à plus forte raison de tous les hommes. Les chrétiens, même en possession de la vérité, ne sont pas infaillibles. Il suit que le christianisme peut être vrai sans que les chrétiens soient exempts d’erreur. C’est déjà une précieuse grâce que d’avoir reçu une croyance dans laquelle on est sûr que réside la vérité. Cette certitude, cette foi tout ensemble générale et limitée, est celle de plus d’un protestant. Elle serait celle de tout le monde, si, à côté des dogmes fondamentaux du péché, de l’incarnation, de la rédemption, ne se plaçait une foi particulière dans un témoignage toujours subsistant de la révélation chrétienne. La religion que le Christ a enseignée n’a pas été, comme d’autres connaissances de la vérité, confiée uniquement à la tradition plus ou moins fidèle de l’humanité. Le dépôt en a été divinement placé, — suivant les protestans, dans le texte des Écritures, — suivant les catholiques, dans une hiérarchie interprète inspirée des Écritures. Là est le point de dissidence profonde, et la cause de l’impuissance commune des catholiques et des protestans à se convaincre réciproquement.

Cependant l’autorité de l’Écriture pour les uns, l’autorité de l’église pour les autres, réduit sensiblement, mais ne supprime pas les sources d’erreur ni le principe des variations. Seulement ces variations, attachées à la nature de l’esprit humain, doivent être plus rares dans la constitution catholique, quoiqu’on ne puisse réussir à prouver qu’il n’y en ait jamais eu. Elles sont naturelles, elles sont inévitables dans le protestantisme. Là, le fidèle n’est mis pour ainsi dire en contact avec la vérité que par l’intermédiaire des Écritures. Ces Écritures inspirées sont conçues dans le langage de l’homme, lues par des yeux d’homme, comprises par une intelligence humaine,