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dans les langues, des mots divers sont venus à signifier une même chose, ou que des mots identiques sont venus à représenter des idées tout à fait différentes.

On peut appeler poison tout ce qui, n’étant pas alimentaire, engendre, une fois introduit dans l’économie par une voie quelconque, une maladie plus ou moins grave. Pour qu’il y ait empoisonnement, il faut qu’il y ait pénétration de la substance toxique, il faut qu’elle se combine, d’une façon ou d’autre, avec un ou plusieurs des élémens qui constituent le corps vivant.

Ce seul énoncé suffit pour montrer combien les poisons sont, par la nature même des choses, voisins des remèdes. À la vérité, pris dans son ensemble, le remède contient une foule de choses très diverses qui ne sont liées l’une à l’autre que par la propriété commune de modifier en bien l’organisme malade ; mais quand on les considère en un sens plus étroit et comme substance introduite dans le corps et destinée à y produire une action déterminée, les remèdes et les poisons se confondent tellement, que beaucoup ne diffèrent plus que par la dose, et quelques-uns des poisons les plus énergiques sont au nombre des remèdes héroïques. Il faut se faire une idée exacte de la situation des êtres vivans dans le monde qui les entoure. On ne peut en aucune façon se les figurer isolés ; toute existence organique et vivante (ces deux termes sont synonymes, et à notre connaissance il n’y a point de vie sans organisation) suppose un milieu ambiant qui fournit les élémens nutritifs, dans lequel sont rejetées les substances usées par le mouvement vital, et dont la réaction entretient le jeu des fonctions. Ainsi la terre, l’air, l’eau et les forces qui y sont immanentes, chaleur, électricité, lumière, affinité chimique, fournissent le sol où vit tout ce qui vit, et pour étendre jusqu’au bout cette idée capitale, la civilisation progressive forme un dernier milieu artificiel, mais de plus en plus puissant, et créant, pour les sociétés et les individus, des conditions de développement, de santé, de maladie, qui y ont toutes leurs racines. Dans ce milieu général se trouvent des choses particulières qui affectent d’une façon particulière aussi les organismes vivans : ce sont les remèdes et les poisons. Là, rien ne s’est deviné : des propriétés (que nous appellerons à bon droit occultes) n’ont été révélées que par l’expérience, car aucun indice, avant tout essai, ne pouvait faire prévoir que l’opium assoupissait, que l’iode agissait sur le goitre, que le mercure causait le tremblement, que le plomb amenait d’atroces coliques et la paralysie des membres, que la belladone dilatait la pupille, et tant d’autres phénomènes remarquables et spéciaux, trouvés par une recherche aveugle d’abord - et maintenant systématisée.

Donc, pour bien concevoir la position de l’être vivant et en particulier