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et de trouver en Dieu même le principe de l’idée du bien. Ici encore l’histoire lui a prêté un puissant secours, il a prouvé victorieusement que le sentiment du devoir ne saurait se confondre avec le sentiment de l’utile. Identifier ces deux sentimens ne va pas à moins qu’à dégrader l’homme jusqu’à la condition de la brute. Dans la morale publique ou privée, vouloir substituer l’intérêt à l’idée du bien et à l’obligation, conséquence nécessaire de cette idée, c’est tout simplement vouloir légitimer la violation de tous les droits et fouler aux pieds les notions les plus simples qui sont au fond de notre conscience. Le vol caché, le vol impuni, n’est plus un crime si l’intérêt sert de base à la morale. Trahir la patrie n’est plus un crime infâme dès que la trahison est richement payée. Le sens commun se révolte contre une telle doctrine, et pourtant elle a trouvé de nombreux, souvent même d’habiles défenseurs. À vrai dire, aux yeux d’un juge inattentif, cette doctrine monstrueuse paraît gouverner le monde : mais il s’en faut, Dieu merci, que la réalité réponde à l’apparence. Parmi ceux mêmes qui professent un culte fervent, un culte exclusif pour la morale de l’intérêt, il y en a plus d’un qui se calomnie par vanité. Les fanfarons de vice sont aussi nombreux que les fanfarons de vertu. Les apôtres de l’intérêt démentent bien souvent leurs paroles par leur conduite ; ils se vantent de fuir le dévouement comme un danger, et ils se dévouent secrètement pour obéir à l’instinct invincible de leur cœur. Ils cachent leurs actions les plus généreuses, pour se soustraire au reproche de niaiserie ; ils étalent avec emphase une sécheresse d’âme impénétrable à toutes les épreuves, et, se glorifiant dans leur mensonge, espèrent passer pour habiles. M. Cousin a justement flétri cette doctrine insensée, dont le règne, une fois accepté sans murmure, serait la ruine de toute famille et de toute société. La lecture attentive des pages qu’il a consacrées à la réfutation de ce principe mensonger ne laisse pas debout une seule objection. Non, il n’est pas vrai qu’il y ait gloire ou habileté à soutenir ou à pratiquer la morale de l’intérêt ; aux yeux de toute intelligence éclairée, c’est tout simplement une sottise ; pour tous les cours généreux c’est une honte, pour les égoïstes les plus entêtés c’est un mauvais calcul, car le mépris du droit engendre le mépris du devoir et compromet jusqu’au bien-être matériel, jusqu’aux joies les plus grossières dont les égoïstes veulent faire la règle suprême de la vie.

Des cinq leçons consacrées par M. Cousin à l’étude du beau, la première seule appartient à la philosophie pure, les leçons suivantes ont trait à des sujets d’une nature plus généralement incessible ; aussi me trouvé-je à l’aise pour en parler. Voici dans quel ordre l’auteur a disposé la partie esthétique de son livre : « Du beau dans l’esprit de l’homme, du beau dans les objets, de l’art, des différens arts, et