Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/642

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recueillis les premiers bégaiemens poétiques d’un écolier, il se transforme en trait de comédie, lorsqu’il est récité devant une reine et porté aux nues par les gentilshommes de la chambre, et les dames d’honneur. Peut-être M. Cousin a-t-il franchi plus d’une fois les limites naturelles de son sujet, peut-être a-t-il raconté à propos de Jacqueline plus d’une anecdote qui ne se rapporte pas directement à la biographie de son héroïne c’est une faute légère, et qui d’ailleurs n’est pas sans charme, car une anecdote bien racontée, utile ou inutile, ne manque jamais de nous intéresser. Or M. Cousin raconte très bien, il aime, il admire tous les grands esprits du XVIIe siècle, et comme, en nous parlant de Jacqueline, il se trouve naturellement amené à nous parler de ses illustres contemporains, je ne m’étonne pas qu’il abuse parfois de la digression. Il connaît si bien, il a étudié avec tant d’amour et de patience l’histoire de notre pays au XVIIe siècle, non-seulement dans a vie publique, mais dans la vie privée, que le lecteur lui pardonne volontiers ces causeries et ne songe guère à lui rappeler son point de départ. En pareil cas, les causeries n’ont pas besoin d’excuse ; elles nous plaisent et désarment notre sévérité.

M. Cousin a étudié la vie de Mme de Longueville avec une prédilection toute particulière. C’est en effet une touchante destinée que celle de cette femme belle et ingénieuse, qui débute par la dévotion la plus fervente, se laisse entraîner par l’amour le plus dévoué, et finit par une pénitence de vingt-cinq ans. Il y a là de quoi exciter toutes les sympathies d’un homme capable de comprendre les faiblesses du cœur. Mlle de Bourbon était fille de la princesse de Condé, de celle-là même qui, sous le nom de Mlle de Montmorency, avait éveillé dans le cœur de Henri IV une passion si vive, et faillit engager le galant roi dans plus d’une extravagance. Élevée sévèrement, dans une piété austère, elle se lia de bonne fleure d’une amitié ardente avec plusieurs filles de haute condition, réfugiées aux Carmélites de la rue Saint-Jacques, les unes au sortir même de leur jeunesse, les autres après avoir traversé les orages du monde. Elle trouvait dans cette amitié tant de charmes et de douceurs, que, malgré la richesse et le rang de sa famille, elle rêvait la vie claustrale comme le dernier terme du bonheur humain. Des témoignages nombreux et irrécusables prouvent que, dans tout l’éclat de sa jeunesse, elle refusa plus d’une fois de se produire dans le monde, résolue qu’elle était à finir sa vie au couvent des Carmélites ; mais avant de trouver la paix profonde et sans mélange qu’elle avait espérée, elle devait passer par bien des épreuves.

La princesse de Condé, affable et bienveillante quand il lui plaisait de l’être, plus souvent fière et hautaine, inflexible dans ses résolutions, ne consentit jamais à retirer sa fille du monde. Mlle de Bourbon