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et c’est la zone du sud-est, comprenant les départemens limitrophes du Piémont, qui a été le plus maltraitée.

M. Thiers était donc dans le vrai, lorsqu’il disait, dès 1834, que le droit du bétail « avait produit bien peu des effets qu’on en attendait, et qu’il avait frappé sur certaines provinces avec une dureté cruelle. » Il ajoutait : « Le prix du bétail n’a pas sensiblement augmenté, les importations étrangères ont continué à peu près dans la même proportion, par une raison toute simple; les départemens du nord qui tiraient leurs bestiaux de la Belgique, les départemens de l’est qui les tiraient de Bade et de la Suisse ont continué à les tirer de ces pays, parce qu’ils ne pouvaient les prendre en Normandie ou en Saintonge, et se sont soumis à payer le droit, quelque élevé qu’il fût. Le droit a donc été une souffrance pour certaines de nos provinces, sans être un avantage bien sensible pour les autres. » Les faits signalés par M. Thiers au sujet du prix du bétail étaient exacts en 1834; les cours de 1830 à 1833, comparés avec ceux de 1820 à 1826, n’avaient point sensiblement haussé, ainsi qu’on peut en juger par les mercuriales de Sceaux et de Poissy. Depuis 1834, la hausse est devenue beaucoup plus sensible et justifie complètement les inductions que nous avons exposées plus haut. Pour les importations du bétail de l’étranger, les tableaux de douane nous fournissent des indications qui se résument dans les chiffres ci-après :

IMPORTATIONS.


Race bovine Race ovine
Têtes Têtes
1820 42,000 155,000
1826 53,000 201,000
1830 53,000 175,000
1835 30,000 155,000
1840 39,000 135,000
1845 48,000 152,000
1850 33,000 79,000
1851 31,000 103,000

Il y a eu depuis 1826 une diminution assez notable dans les importations de bestiaux étrangers, diminution qui ne s’était point encore fait sentir en 1834, à l’époque où M. Thiers présentait à la chambre des députés son projet de loi de douanes, mais qui s’est révélée ultérieurement d’une manière incontestable. Si, dans le relevé des chiffres relatifs à la race bovine, on ne tenait compte que de ceux qui concernent les bœufs, la diminution serait encore bien plus appréciable. Les habitans de nos frontières de terre en sont donc réduits à manger et à payer plus cher les vaches qui leur sont expédiées de l’étranger, et l’approvisionnement intérieur ne leur fournit pas assez de bœufs pour leur consommation.

Mais ce qui demeure aujourd’hui encore et demeurera toujours vrai dans l’appréciation de M. Thiers, c’est que la taxe sur les bestiaux influe très cruellement sur le bien-être de certains départemens de la frontière, alors même que, sur d’autres points de la France, la production serait surabondante. Quel que soit le tarif, les habitans du nord-est, de l’est et du sud-est seront tenus