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— que le commerce a demandés en plus - sur la réserve des métaux précieux qui s’étaient accumulés improductivement depuis cinq ans dans les caves de la Banque.

Une autre cause, momentanément plus puissante, a concouru à faire de larges saignées aux réservoirs publics d’or et d’argent : je veux parler de la crise des subsistances. Si la France a pour sa part, afin de combler les vides de la récolte, dix millions d’hectolitres à demander à l’étranger, ces besoins extraordinaires et soudainement révélés ne pouvant pas donner lieu à un échange de produits, nous aurons, suivant l’estimation la plus modérée, 150 ou 200 millions à exporter en numéraire pour solder les achats de grains. L’Angleterre est dans le même cas ; de là ces envois d’impériales ou de souverains que font les banquiers ou marchands de Londres à Pétersbourg, qui ont atteint la semaine dernière le chiffre de 8 à 10 millions de francs, la semaine précédente environ 7 millions, et que l’on annonce devoir s’élever encore cette semaine à la somme de 5 millions.

Le déficit de la récolte dernière parait avoir été à peu près aussi considérable et plus général en Europe que celui de 1846. Comment se fait-il que les conséquences n’en aient pas été les mêmes ? Et par exemple les exportations de numéraire n’exercent pas aujourd’hui sur le crédit des établissemens de banque l’influence désastreuse dont on a gardé le souvenir à Londres et à Paris. Par diverses causes que nous n’avons pas toutes énumérées, la sortie des espèces continue depuis plusieurs mois sur la plus grande échelle, non-seulement sans mettre en péril, mais même sans affaiblir gravement la circulation métallique. On le voit par la facilité avec laquelle la Banque d’Angleterre répare ses pertes. Ainsi, du 8 octobre au 22, sa circulation avait diminué d’environ 800,000 livres sterling ; le 24 novembre, elle remontait de 870,000 livres, regagnant et au-delà le terrain qu’elle avait perdu.

Cela tient, indépendamment des forces que la France et L’Angleterre ont amassées depuis quatre ans pour tenir tête à l’imprévu, aux nouvelles sources de métaux précieux qui s’ouvrent pour nous, et qui commencent à couler jusque sur l’Europe. Nous avons aujourd’hui en surcroît, pour faire face aux embarras de la circulation, l’or qui est importé de la Californie et des terres australes. Les exportations, pour l’Australie tout au moins, ont neutralisé pendant quelque temps les importations. Il a fallu saturer d’or monnayé les contrées qui nous envoyaient l’or en lingots ou en poudre. L’Angleterre a expédié à Sydney, à Melbourne, à Adélaïde, des caisses de souverains jusqu’à concurrence de 250 à 300 millions de francs. Aujourd’hui ce courant semble refluer, comme refoulé par un courant contraire. La production de l’or dans le monde excédera, en 1853, de 5 à 600 millions celle de l’année 1846, en sorte que la demande peut prendre sans inconvénient des proportions extraordinaires. Nous n’avons pas plus à craindre aujourd’hui la disette des métaux précieux qu’il n’était raisonnable en 1852 d’en redouter l’engorgement. L’or en particulier manque si peu, que la monnaie anglaise a frappé en 1852 des