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en bac et allèrent camper à deux journées plus loin, sur l’emplacement d’un ancien cimetière indien. C’était là une belle occasion pour le prophète de rappeler l’histoire merveilleuse du peuple primitif de l’Amérique qu’il avait lue sur les lames de métal. Il fit creuser la terre à un pied environ de profondeur, et l’on découvrit un squelette entre les côtes duquel une flèche était engagée. Alors se renouvela le miracle accompli jadis en Égypte par le solitaire Macaire. Le crâne d’un ancien Egyptien avait appris à l’anachorète chrétien l’histoire de l’homme à la tête duquel il avait appartenu ; Joseph Smith sut de même toute celle du guerrier dont on venait de découvrir les ossemens : c’était un nommé Zelph, tué dans un grand combat entre les Lamanites et les Néphites, et qui servait sous le célèbre prophète Omandagus. Cette petite comédie produisit son effet ; elle fortifia la foi des fidèles, peut-être un peu ébranlée parmi si long voyage. La caravane poursuivit, sa route, passa le Mississipi malgré les menaces de la population qu’elle rencontra, et qui voulait l’empêcher de se rendre de l’Illinois dans le Missouri. Les Mormons n’avaient à leur disposition qu’un seul bateau, et au lieu où ils traversèrent le Mississipi, ce fleuve n’a pas moins d’un mille et demi de large. Deux jours furent donc employés pour accomplir ce difficile passage. Les saints croyaient toucher au terme de leurs fatigues ; ils se trouvaient enfin dans le voisinage du pays d’où ils avaient été chassés. Une députation fut envoyée dans le comté de Jackson afin de traiter de l’achat de toutes les terres qu’on avait contraint les Mormons d’abandonner à Independence ; mais à peine la nouvelle se fut-elle répandue du retour de la secte maudite, que l’agitation gagna les habitans du Missouri. Un nommé Campbell jura de tuer le prophète et de donner sa chair à manger aux oiseaux de proie. Cet enragé courut au-devant des Mormons. Comme il voulait passer le Missouri, son bateau coula, et il fut noyé, lui et ses compagnons, on pense bien quel parti tira Joseph Smith de la fin inattendue de Campbell. Cette mort fut l’occasion d’une nouvelle révélation que Dieu lui envoya pour consoler les saints.

Les Mormons n’étaient cependant pas arrivés au terme de leurs épreuves. Le choléra avait éclaté parmi eux. Le prophète tenta vainement de guérir les malades par l’imposition des mains ; le fléau allait son train, et M. Smith dut reconnaître que, quand le grand Jehovah a décrété la destruction, nul ne doit se mettre en travers de ses volontés. La seule consolation qu’il procura aux Mormons, ce fut de leur annoncer que leurs ennemis auraient encore plus à souffrir qu’eux de la maladie, ce qui se réalisa.

Le prophète arriva enfin parmi les colons du comté de Clay : mais il ne fit qu’un court séjour dans leurs cités naissantes, il y laissa la petite troupe qu’il avait amenée à travers tant d’épreuves et reprit le chemin de Kirtland. Malgré les persécutions, les attaques incessantes dont les Mormons étaient l’objet, leur nombre augmentait de jour en jour. Tout l’état de Missouri se passionnait pour ou contre eux. Pendant ce temps-, J. Smith tachait d’activer dans l’Ohio ses opérations commerciales ; mais il parait qu’elles ne furent pas toujours prospères, puisque dans l’automne de 1837 sa banque fut obligée de suspendre ses paiemens, et tout le district de Kirtland se trouva inondé de son papier sans valeur. Le prophète n’avait plus qu’une ressource : Dieu. Une