Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/978

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disciples d’Irving n’entendent avoir rien de commun avec ceux de Joseph Smith, qu’ils tiennent pour des envoyés du démon. C’est également sur l’idée de la fin prochaine du monde qu’est fondée la nouvelle église des Mormons. De même que les Irvingiens, les disciples de Smith s’appellent entre eux les saints, seulement ils ajoutent à ce nom les mots du dernier jour (latter day saints), car c’est en vue de cette grande catastrophe, qu’ils tiennent pour n’être pas éloignée, qu’ils se sont séparés du reste de la chrétienté, choisissant un genre de vie qui pût leur assurer une sentence favorable quand Dieu fera le jugement solennel de ses créatures. Pour atteindre à un état de sainteté qui fasse d’eux un peuple élu, les Mormons s’efforcent de revenir à la constitution des âges apostoliques. C’est précisément, comme on l’a vu, ce que font les Irvingiens. Toutefois les Mormons vont plus loin qu’eux. L’Évangile n’est pas le seul livre qu’ils prennent pour loi et fondement de leur organisation : ils entendent se régler sur l’Ancien Testament et renouveler à leur profit la théocratie biblique. Le fondateur de la secte mormonienne, Joseph Smith, exploita d’abord ces craintes de la fin du monde qui agitent de temps en temps les peuples chrétiens, et ont surtout beaucoup d’influence sur les esprits crédules de l’Amérique. Chaque tremblement de terre dont il était question dans les journaux, chaque nouvelle comète découverte, chaque chute de météore observée, chaque bruit de guerre qui circulait, chaque naissance monstrueuse d’hommes ou d’animaux, chaque événement tant soit peu extraordinaire en un mot était représenté par le prophète comme un signe certain de la fin prochaine de l’univers. Il assaisonnait ses prédictions de citations de la Bible, de formules éjaculaloires, de paroles d’un caractère inspiré qui produisaient beaucoup d’effet chez les hommes simples, qui ne manquent pas dans l’état d’Ohio où il résidait. Les têtes se montèrent en sa faveur, et il ne tarda pas à grouper autour de lui des disciples ardens, qui le 1er juin 1830 tinrent dans la ville de Fayette, sous la présidence de Joseph Smith, leur premier concile.

C’est de cette époque que date réellement l’existence du mormonisme ; mais la vocation de leur prophète et les idées qu’il suggéra à ses dupes remontaient plus haut. Dès son enfance, Joseph Smith avait reçu communication des lumières de l’esprit saint, et il nous a raconté fort au long l’histoire, en partie vraie et en partie supposée, mais encore plus supposée que vraie, de sa vocation. Joseph Smith fut tourmenté de bonne heure par des préoccupations religieuses et des réflexions sur les choses célestes. Quoique n’ayant reçu qu’une instruction très imparfaite et n’ayant été presque exclusivement occupé par son père qu’à des travaux agricoles, la tournure de son esprit était sérieuse et réfléchie : il adressait sans cesse à Dieu de ferventes prières, afin de savoir quelles étaient les véritables conditions du salut. S’étant retiré un jour dans un petit bois, non loin de la ferme paternelle, il vit tout à coup comme un feu s’échapper du ciel et illuminer tout l’horizon. Cette flamme mystérieuse s’avançant incessamment, le jeune Joseph s’attendait à voir le feuillage s’allumer, et il allait se retirer, quand il se sentit soudain environné lui-même et pénétré dans tout son être d’une sensation indéfinissable. Ses yeux furent alors détachés des objets environnons, et il fut ravi dans une vision céleste. Deux personnages dont les traits étaient absolument les mêmes